Les Chroniques de l'Imaginaire

Emblèmes (Emblèmes - 11)

Qui ne s'est jamais demandé ce qui pouvait se cacher derrière son reflet dans le miroir ? Qui n'a jamais voulu aller voir ce qui se cache de l'autre côté ? Qui ne s'en est jamais pris à son double inversé lorsque les choses allaient mal ? Qui n'est pas resté contemplatif devant la perfection renvoyée par cet outil si simple et pourtant si hypnotique ? Vous ? En êtes-vous certain ? Alors, suivez le parcours de ceux qui n'ont pu résister

Tout commence par une courte introduction de l'anthologiste, Léa Silhol, qui nous plonge directement dans la matière même du recueil.

Puis, nous commençons réellement le voyage avec La reine des neiges de Hans Christian Handersen. Quoi de mieux qu'un classique indémodable pour entamer ce voyage ? C'est ensuite au tour de Caroll Planque de nous présenter un personnage habité par une peur panique de son reflet, ce qui l'amènera à demander et à céder à de lourds sacrifices, dans Echo et le reflet. Dans certaines familles, les rites sont tenaces, même si ceux-ci on un arrière-goût d'anxiété. Chez les Bannister, personnages principaux de Les castes du Passage de Pierre Cardol, cette coutume peut amener loin, très loin, beaucoup trop loin. Et on ne sait jamais vraiment ce qui peut sortir après votre entrée dans la salle du Passage. On parle souvent de reflet, mais on oublie bien souvent de mentionner notre compagne la plus fidèle : notre ombre. Seulement, celle-ci peut parfois nous surprendre, comme on le découvre dans Là-bas de Lélio. Lorsque le mysticisme rencontre la technologie, cela peut donner quelque chose comme décrit dans l'histoire de Jess Khan, Utrezia. Une horreur particulière et très cyberpunk. Les miroirs de pluie de Loïc Henry nous prouvent que les miroirs ne sont pas seulement une source de cauchemars et de monstruosité, mais qu'ils peuvent aussi être la source d'un amour infini. Une très belle histoire à la conclusion touchante. Le double génétique est abordé dune manière très poétique dans Une fleur de Fabrice Anfosso. Une fable qui pourrait s'avérer un jour bien réelle Pour la suite, nous allons plonger dans une douce folie, qui nous traverse de part en part, sans épargner une seule de nos cellules. Cendre/Alexeï de Elisabeth Ebory nous plonge dans un pacte qui nous conduit tout droit dans les méandres obscurs de nos esprits torturés. Gary A. Braunbeck nous narre une histoire touchante et belle, ode à l'amour fraternel. Cependant, la chute de Prières de Cocteau nous laisse quelque peu sans voix et horrifié. Enfin, nous terminons ce petit tour d'horizon par une maîtresse du genre, j'ai nommé Tanith Lee. Mirage et Magia nous fait aller plus loin que la simple fantasy, mais nous amène à nous poser des questions sur notre propre condition et sur nos sentiments et pensées enfouis. Un véritable bijou.

Ne croyez pas que le voyage s'arrête ici, puisque Denis Labbé, que l'on a déjà pu retrouver dans un sujet fort similaire dans le numéro 0 du fanzine Le calepin jaune, nous expose et nous décortique les différents types de doubles que l'on peut rencontrer dans la littérature de l'Imaginaire, preuves à l'appui. Ensuite, Léa Silhol a demandé à un certain nombre d'artistes de nous exposer l'oeuvre qui, pour eux, était la plus représentative du thème abordé ici : Doubles et miroirs. Ce sont les choix de chacun, et ils ne sont pas discutables, et pourtant, bien argumentés. Je me permettrai juste de faire une petite remarque à Natacha Giordano. Oui, la nouvelle dont est tiré le film Candyman est excellente, et, comme pour toutes les oeuvres de Clive Barker adaptées au cinéma, beaucoup plus prenante que le film lui-même. Fin de l'aparté. Nous clôturerons cette petite escapade par un récit d'Anatole Le Braz, Le miroir épave, qui sait, en quelques lignes seulement, nous mettre mal à laise.

Alors, que dire de ce numéro 11 d'Emblèmes ? Tout simplement, comme tout ce que j'ai pu découvrir des éditions de l'Oxymore, la qualité est au rendez-vous. Qualité littéraire, bien sûr, puisque les nouvelles sont choisies avec grand soin et nous plongent aisément dans des mondes et des histoires passionnantes. Mais aussi une qualité graphique. Outre la couverture, qui est sublime, les illustrations intérieures nous plongent dans un univers gothique qui fascine l'oeil et titille l'imagination et où le double n'est plus seulement un double mais un personnage principal. Le tout est un formidable travail de Lachâtaigne.

A lire et à relire encore et encore.