A quel âge as tu commencé à écrire ? Et pour quelles raisons ?
Pourquoi ? C'est une question qui m'embarrasse un peu parce que, finalement, je n'ai pas changé, j'ai toujours fait ça. C'est comme respirer : j'écris parce que j'en ai besoin. En réfléchissant un peu, je pense qu'au départ, c'était pour pouvoir jongler avec les mots, m'approprier cette matière qui changeait du dessin pour lequel je n'étais et ne suis toujours pas très douée. Pour raconter des histoires surtout, et créer mes mélodies. J'ai toujours été plongée dans un univers de sons, de mots, et écrire, c'est comme l'étendre un peu, juste pour moi ; c'est trouver une façon de vivre qui m'est propre. Les premiers cahiers que j'ai conservés sont bourrés de contes, de petites pièces poétiques, de petites phrases sur le monde qui m'entoure. Toute petite, j'ai été immergée dans cet univers et rêvais d'y apposer mes grains de folie. Depuis, je continue, tout simplement.
Qu'est ce qui t'a poussée à publier ? (rencontre, illumination...etc.) Cela fait quoi, à 16 ans (c'est pas bien vieux tout de même), d'être publiée et de se dire qu'une partie de son univers est partagée avec des inconnus ? (je sais, elle est tordue celle là comme question)
A la fin de ma première, suite à des problèmes de santé, pour me remonter le moral, j'ai rassemblé des pièces et j'ai déclaré que je voulais les publier. L'ODS, qui avait fondé entre temps (!) une maison d'édition m'a demandé le manuscrit et l'a publié. Pour la petite histoire, s'il porte le numéro 2 de la collection des Manuscrits d'Edward Derby, c'est le premier à être sorti des presses.
Qu'est-ce que ça fait d'être publiée ? C'est l'accomplissement d'un rêve, celui de pouvoir ranger son livre à côté de ceux qu'on aime bien ; cela permet aussi de prendre de la distance par rapport au texte, de passer à autre chose. Cela apporte surtout une grande satisfaction de partager son univers, même si c'est toujours étrange de savoir qu'il se balade partout, et qu'il peut toucher des gens. Les critiques, enthousiastes ou dépréciatives, aident à grandir, à prendre du recul, à s'affiner. Après, il y a les côtés amusants : des analyses spontanées d'anciens profs de français, des cousines qui jouent les agents de presse, une maîtresse qui m'avoue faire apprendre mes poèmes à une classe de CM1. Je suis touchée de savoir que j'ai pu communiquer des bouts de moi aux gens, de savoir qu'une part de moi s'est offerte et a été diversement reçue. Ça donne envie de continuer. Donc je continue.
Quel est ton « processus de création » ? La forme du poème s'est-elle imposée toute seule (car beaucoup pourraient faire l'objet de nouvelles aussi) ? Tu écris aussi des nouvelles à forte dose poétique, qu'est ce qui fait que tu passes d'un genre à un autre ?
Pourquoi passer de la poésie à la nouvelle ? Je ne sais pas ; pour moi, ce n'est qu'une extension de mon univers, il trouve à s'exprimer selon le moment, selon le besoin. Je ne me dis pas « tiens, je vais écrire une nouvelle, un roman, etc. ». Je ne réfléchis pas beaucoup avant d'écrire : je devrais sans doute, je serais moins décousue et plus intéressante ;-) J'aime le côté spontané de l'écriture, et le cultive. Tant pis si après le rythme ne coule pas bien, la mélodie irrégulière, j'aurai suivi les mots jusqu'au bout. Enfin, tenté au moins.
Travailles-tu sur quelque chose de particulier en ce moment ?
As-tu des « modèles » en matière de poésie ou de littérature ? D'ailleurs, que lis-tu de manière générale (beaucoup de choses je me doute mais tu dois avoir des genres favoris quand même) ?
Si je voulais ressembler à quelqu'un, ce serait une Duras, une Dickinson ou une Woolf : tant pis pour le destin tragique, mais quelles plumes ! Mais une Duras, une Dickinson, ou une Woolf qui, sous l'influence des écrits du révérend Kirke et des grandes épopées, tenteraient d'approcher leurs intuitions par l'imaginaire.
Pour répondre à ta deuxième question, je suis boulimique en matière de lecture, je lis presque tout ce qui me tombe sous la main. Avec une prédilection pour la poésie (de tous les horizons) et la fantasy (je viens de me refaire tout Pern, Hobb et me remet à Eddings), parce qu'elles représentent mes aspirations et me fournissent ma dose d'imaginaire et de pleine « pureté », et les auteurs du XIXe siècle en général, car j'ai longtemps considéré que c'était « le » siècle littéraire par excellence et que je n'en finis pas de le découvrir.
Et la littérature antique, du fait de mes études, avec un grand bonheur et l'impression de remonter aux sources de tout, de me perdre dans des langues et des textes si vieux qu'on n'arrive plus à y accéder, juste à les trahir, les deviner, les contempler, les retourner lors de version jusqu'à ne plus rien comprendre mais tenter d'en saisir l'essence, et s'emplir d'une autre musique. Si je vis dans ma langue et ne suis pas douée pour parler en langues étrangères, j'ai toujours une grande fascination pour ces textes (ça vaut pour la littérature allemande et anglaise, et la poésie surtout), ces lieux de passage où je m'égare, cherchant le sens dans les sons. C'est pour ça que je suis une piètre traductrice, mais j'aime ces voyages spontanés où j'imagine le sens du texte à partir d'une mélodie, où j'élabore une histoire à partir d'une rythmique, à travers la densité d'écriture d'un Virgile (mon poète latin préféré ; avec Catulle, pour la gouaille et l'ironie à peine cachée sous la musique doucement lyrique) ou l'élan d'un Eschyle (dont le Prométhée Enchaîné reste une grande référence, on a l'impression d'assister à la naissance de l'humanité, dans la fougue et l'horreur d'un Jupiter désavoué). Avec une prédilection pour l'épopée et la poésie (décidément).
Rôliste ? Si oui, quel jdr ?
Un petit mot pour ceux qui liront cette interview ?
J'en ai oublié une ! Dans Fantasmique et Faërie, le propos n'est pas toujours des plus gai, avouons-le, c'est plus facile d'écrire sur des choses noires ?
A vrai dire, c'est aussi une question de « chemin de vie » et de tempérament le mien est plutôt rêveur et voué à l'introspection, alternant de grands moments d'enthousiasme avec des instants de silence. Si l'on me permet quelques instants de lyrisme, je suis un peu comme mon beau Finistère sud, à mi-chemin entre la plage de Teven et la pointe de la Torche. Je suis à la fois cette surface opale sous la lune capricieuse, cette mer apaisée comme un miroir où se perdent et se troublent les rires des étoiles, et ce gémissement fantastique de bleu et de vert déchiré de cris d'écume, la violence des vagues contre les rochers aux formes déchirées ou arrondies par le temps, le souvenir de corps disparaissant sous les flots, fantômes tumultueux d'enfance et de vies rêvées. Imaginez seulement cela, l'envoûtement de l'onde et de la pierre dans les yeux cinglés de rêve, et le vent qui emporte dans un dernier hurlement la plainte d'Ys l'engloutie. L'insurrection glorieuse du ciel dans les brumes de l'aube, la naissance éclatante du songe à la lisière du regard ; la mer échevelée de nuances d'azur et d'opale et le frisson de la sirène sous la courbe d'une vague...
Voilà...