Une époque moyenageuse, un royaume vivant en paix, des villes florissantes. Mais depuis quelque temps, dans l'une d'elle, une malédiction frappe : à toutes les lunaisons les cloches deviennent folles, les murs s'animent, et un homme est comme possédé par une fureur démoniaque qui le fait se jeter sur la première donzelle qu'il croise, pour la violer avec sauvagerie jusqu'à la tuer ; puis pendant les vingt-huit jours suivant, il se meurt. Dans son dernier souffle, il prononce à chaque fois ce même mot : "Leh'cim". Et tout homme tentant d'échapper à la malédiction en fuyant l'enceinte de la ville, vieillit jusqu'à mourir dans un temps très bref. La ville est au désespoir, toute activité y a disparu, ou presque ; il n'est plus question de festival, de marchés. Le prévôt a fait mander toutes sortes d'experts. Tous sont morts ou ont disparu ; et la malédiction perdure.
Est alors appelé Jacques du Chesnoy, homme d'âge mûr, rationnel et astucieux, pragmatique et intelligent. Accompagné de son ami Amo, un nippon relativement proche de la voie Zen et de celle du guerrier, et de la nièce du prévôt, Eline, il va tâcher de découvrir qui est ce Leh'Cim, et de le neutraliser. Néanmoins, l'enquête est délicate, et l'adversaire n'est pas n'importe qui. D'autant qu'il possède une perception assez incroyable du monde qui l'entoure. Les protagonistes parviendront-ils à arrêter ce monstre psychopathe ? Qui ou quoi est ce Leh'Cim ?
J'en reste sous le choc. Non seulement Didier Quesne nous offre un roman plutôt policier dans une ambiance médiévale incroyable, mais encore l'histoire est-elle vraiment intéressante, avec moults rebondissements et intrigues, éléments de fantastique et de réflexions.
Je reprends. Le style du livre est un pur bonheur. Non seulement parce que la langue est bien maniée, mais surtout parce que tout le discours direct employé, l'est dans le vocable médiéval. Force est d'acconnaître qu'il faut moults talents pour réaliser pareil entreprise. Le livre dans son ensemble ressemble à une chanson de geste qui, grand bien lui fasse, est construite dans un mélange bien proportionné d'ancien et de neuf. Il n'y a bien entendu que le meilleur des deux qui soit retenu...
Dans la continuité, l'histoire en tant que telle parvient avec brio à lier une trame "classique" d'enquête policière, dont le sire Jacques - sorte de Sherlock Holmes de l'an mille - est certainement le trait le plus important, à des idées très présentes dans la littérature fantastique - le Leh'Cim, ou l'abomination introuvable et mauvaise -, et à d'autres qui pourraient paraitre un peu insolites, ou presque - mettre un Watson à Sherlock qui soit un maître en arts martiaux. L'ensemble forme un ensemble tellement cohérent que je me demande pourquoi je n'avais rien lu de tel avant. Bien sûr il y a la littérature médiéval en tant que telle, où le fantastique est présent ; la différence est l'intégration du fantastique moderne dans un style qui ne l'est pas.
Et pour ne rien enlever à tout cela, les personnages sont attachants, et leurs relations sont complexes : les relations triangulaires, que ce soit celle qui lie Jacques, Amo et Eline, ainsi que celle qui unit ces deux derniers à Leh'Cim, approfondissent l'ensemble, pour créer une ambiance magique et pesante. Il est encore possible de rajouter à cela l'importance de l'Amour et sa signification, ainsi que celle de l'Amitié et du Pouvoir et de la Confiance. Des thèmes majeurs du médiéval, revisités par l'auteur qui y rajoute les échos des interrogations actuelles, et la parole aux femmes.
Tout cela dans un livre si petit me direz-vous. La qualité n'a rien à voir avec la quantité, la preuve en est encore faite. A lire à tout prix si vous aimez le monde médiéval, et que vous désirez un peu de nouveauté.