Les Chroniques de l'Imaginaire

Moslonka, Michael

Yakumo : Tout d'abord, peux tu te présenter ?

Michael Moslonka : Bien entendu. J'ai donc 29 ans, j'habite le Pas-de-Calais et je suis donc écrivain à mi-temps et éducateur pour l'autre partie du temps et inversement

Y : Peux tu être plus précis dans le terme « éducateur », aides-tu des adolescents dans une période difficile ?

MM : Je travaille en Maison d'Enfants où je m'occupe d'enfants âgés de 5 à 11 ans en grande difficulté sociale et familiale.

Y : Je vois que tu investis la moitié de ton temps à l'écriture, depuis quand la littérature est une passion pour toi ?

MM : Je n'ai jamais été trop littéraire, c'est-à-dire que je n'ai jamais trop accroché aux grands classiques de la littérature. Mes premières lectures étaient plutôt orientées vers la BD et notamment celles des super héros Marvels. Puis en seconde (donc vers à peu près 15-16 ans), j'ai découvert l'univers de Stephen King et mes lectures se sont alors orientées vers les romans d'épouvante et de terreur avec d'autres auteurs comme Peter Straub, Clive Barker ou encore Robert E. Howard et dans le domaine de la science-fiction Dan Simmons.

Bien sûr ces dernières années mes lectures se sont étoffées encore un peu plus et se sont élargies à un cercle plus grand et hétéroclites de genre : tout d'abord des livres professionnels en rapport avec mon métier d'éducateur, et puis d'autres auteurs comme Orwell, Kafka, Gogol ou encore Jérôme Leroy (qui a écrit un très bon livre inspiré de 1984, Big Sister). Et bien entendu je me suis remis au BD Marvel ainsi que des BD d'héroïc-fantasy. Finalement, mon goût littéraire est également ponctué de livres comme Ni Dieu ni Maître de Daniel Guérin, ou du Droit à la paresse de Lafargue.

Y : Pourtant, Le masque de l'archange est construit comme une pièce de théâtre et contient des extraits de poésie, je suppose que tu apprécies ces deux genres de littérature, non ?

MM : En fait quand j'ai écrit Le Masque de l'Archange (il est né en 1995) j'avais vingt ans et des idées noires pleins la tête, je ne savais pas trop où aller, avec qui et que faire. Ayant rencontré un ami qui écrivait des poèmes assez délirants et sombres, je me suis dit pourquoi pas. Alors j'ai commencé à écrire quelques poèmes pour chasser mes idées noires puis j'ai préféré les nouvelles car j'avais envie d'écrire des histoires (envie soufflée quelques années plus tôt quand je lisais et découvrais Stephen King). Ensuite ce fut l'idée d'une plus grande histoire qui m'attira.

J'adore le théâtre, l'univers de la comedia dell'arte et de ses masques (inspiré par plusieurs passages à Venise) mais le lire pas forcément. Ce qui m'attirait dans l'univers du théâtre, dans la construction de mon livre en fait, était ce souvenir des pièces de théâtre à lire quand j'étais au collège. Ce qui me restait en mémoire était la page qui annonçait l'acte avec les personnages qui allaient intervenir et le lieu où allait se jouer la scène. J'ai trouvé alors que ça collerait bien avec l'univers dans lequel évoluait le jeune homme sombre et vengeur du Masque de l'Archange qui de plus est un comédien de théâtre.

Quand à la poésie dans l'histoire, ça ma été inspiré par Robert E. Howard qui dans ses petites nouvelles racontant les aventures de son héros Solomon Kane avait écrite une ou deux de celles-ci sous forme de poèmes.

Sinon, pour l'anecdote, j'ai seulement vraiment mis le nez dans un livre de poèmes il y a environ deux ans : Les fleurs du mal de Baudelaire.

Prose, théâtre et poésie, c'était en fait une inspiration du moment venue de souvenirs, de vécu et de ressenti avec une bonne dose d'idées sombres et de mal-être.

Y : Le masque de l'archange est effectivement une oeuvre très sombre, presque gothique. Te sens-tu proche du courant gothique ?

MM : Je ne sais pas si je suis proche du courant gothique où même si je fais partie d'un courant quelconque. Mais c'est vrai qu'à l'époque, comme encore maintenant, le gothique m'attirait beaucoup. Il alimentait énormément mon imagination et mon monde intérieur... C'est un courant que j'apprécie encore maintenant et qui fait toujours foisonner mon imagination. C'est un univers très riche...

Y : Sans dévoiler la fin, je dirais qu'elle n'est pas très optimiste. Est ce un plaidoyer face à l'inutilité de la vengeance ?

MM : Il est vrai que la fin ne semble pas très optimiste au premier abord, mais peut-être que le lecteur peut le trouver entre les lignes, ou alors sur les planches d'un théâtre près de deux masques abandonnés sur la scène au moment où le rideau se ferme...

Quand j'ai écrit le Masque de l'Archange, je n'avais pas l'intention de faire passer spécialement de message ou faire de plaidoyer. J'ai simplement voulu raconter une histoire poussé par mes inspirations et mes états d'âme. Et il est vrai que là, en le relisant moi-même ou en y réfléchissant, et surtout principalement par le biais des critiques (comme la vôtre par exemple), il y a des messages et interprétations (parfois différentes d'un lecteur à un autre) qui ressortent de cette histoire. Comme vous l'avez très bien souligné, l'inutilité de la vengeance ressort de cette histoire sans parler de la trahison et de la manipulation qui viennent appuyer cette vengeance inutile.

Y : Un des personnages intéressants du roman se trouve être celui du curé fanatique qui est en même temps un effroyable dealer. On a l'impression que tu assimiles la religion à une drogue. Est-ce le message que tu as voulu faire passer ?

MM : Là, encore une fois, je n'ai pas voulu faire passer de message particulier mais mon rapport à la religion a du transparaître.

Tout d'abord je trouvais l'idée séduisante d'un curé fanatique et violent dans sa croyance et dans ses actes au nom de sa religion. Un comportement en contradiction même avec ce qui est écrit dans les saintes écritures. Cette contradiction, cette ambiguïté me séduisait donc. Inspiration qui finalement n'est pas loin de ce que fut dans le passé et de ce qui se trouve être encore de nos jours, la religion dans son ensemble.

Donc comme tu l'auras peut-être compris, je ne porte pas vraiment la religion dans mon coeur même si je respecte le droit de croyance bien entendu.

Pour écrire le Masque de l'Archange, je suis parti d'un constat de la vie et qui titilla ma fibre créative : Dieu est mort depuis bien longtemps (ou alors il a démissionné de ses fonctions) et les hommes s'entredéchirent pour rien. Voilà peut-être le message que j'ai voulu faire passer avec du recul...

Après, l'idée que la religion est une drogue me semble intéressante, surtout que l'on sait que la drogue peut amener à des situations extrêmes, violentes et absurdes. Le parallèle se fait effectivement...

Comme je te le disais dans la réponse précédente, le Masque de l'Archange me semble faire ressortir des messages que je n'avais pas conscience de faire passer à l'écriture. Messages et interprétations différentes d'une personne à une autre. Je trouve vraiment ça bien, très intéressant et sans te le cacher, j'en suis assez fier.

Y : Ta réflexion: « Dieu est mort » est notamment une citation de Nietzsche. Te reconnais tu dans ce philosophe ?

MM : C'est ce dont je me suis rendu compte effectivement. De ce fait je me suis intéressé à lui, à ses idées, à certains de ses écrits (des extraits de ses textes tout particulièrement) et à son histoire. J'aime assez bien quand il dit de la religion (de l'Eglise en fait) quelle est « hostile à la vie ».

Y : Parlons maintenant de tes projets, as-tu l'intention de sortir un nouveau roman ? Si oui, as tu déjà une idée de sa trame ?

MM : Actuellement j'ai une grande nouvelle L'Enfant du Placard (qui sur papier fait une cinquantaine de pages) qui sort par extraits à suivre dans un journal local (Le Journal du Pays) chaque semaine. Cette histoire je l'ai proposée à une petite maison d'édition (les Editions Saint-Martin) pour une publication éventuelle à compte d'auteur.

Sinon j'ai aussi un recueil de nouvelles sous le coude qui attend d'être retravaillé et complété par de nouvelles histoires. Le titre de ce recueil est pour l'instant Nouvelles de la 34ème rue, la rue du Masque.

Mais bien entendu, je planche sur un deuxième roman dont le titre actuel est Mais qui es-tu Lô ?. J'ai une bonne centaines de pages déjà écrites et j'en suis à la moitié. Il m'a été inspiré par ma copine qui m'a remis sur les chemins de l'écriture.

La trame ? C'est l'histoire de trois jeune gens, Charlie (un romantique torturé), Anaïs (une adolescente qui se cherche) et Raphaël (un anarcho-révolutionnaire), au coeur d'une époque très troublée de révoltes et de revendication. L'époque est contemporaine même si elle peut être située dans un certain avenir. Ça se passe dans une ville qui se nomme La Capitale, au coeur d'un pays qui se nomme Le Pays. On y retrouve la rue du Masque, celle du clown blanc. Mais le plus important ne sont pas les lieux mais plutôt le destin de ces trois jeunes gens et de ceux qui les entourent. Une fille, Lô, va arriver dans leur vie et va faire éclater leur destin et avoir une incidence sur le destin du pays et des peuples à plus large échelle.

Y : As tu un site internet où les lecteurs pourront avoir plus de renseignements sur toi et ton oeuvre ?

MM : Il y a une page perso consacrée au Masque de l'Archange : http://pageperso.aol.fr/miklaumd/mapage/livres.html

J'ai commencé à créer un site internet plus axé sur mes écrits mais ça fait un bout de temps que je ne m'y suis pas remis. Il faudra donc attendre avant que se soit sur le net. A moins que je mette en route une nouvelle page perso aol, ce qui sera peut-être un peu moins compliqué (car la création et l'application d'un site, ce n'est pas mon fort). Donc à voir...

Sinon, il y a le site de BDFI (Bibliographie de l'Imaginaire) qui m'a répertorié dans leur bibliothèque internet.

Y : Aurons nous la chance de te voir à quelques séances de dédicaces ?

MM : J'ai participé au salon du livre et de la BD le 26 et 27 février dernier et pour les semaines à venir, je serais présent le 1, 2 et 3 Avril au salon du livre à Lens.

Sinon, j'ai interpellé quelques communes pour mettre en place en collaboration avec leur bibliothèque ou médiathèque municipale quelques séances de vente et de dédicaces du Masque de l'Archange : Noyelles-Godault, commune ou j'habite ; Hénin-Beaumont, commune voisine ; Oignies, où je travaille et Marles-les-Mines, où j'ai passé mon enfance. J'ai sollicité également des librairies et attends de voir...

J'espère que tout ce beau monde sera présent à l'appel. Si cela se fait ou que j'ai d'autres propositions de salon et que tu peux te faire l'écho de ces infos, je pourrais te tenir au courant.

Y : As-tu d'autres passions que la littérature ?

MM : Il y a la BD (Héroïc-Fantasy et Bds Marvel). Il y a eu aussi le Jeu de Rôle (Vampire, Hunter, Conspiracy X entre autres). La musique aussi (les Têtes Raides, The Cure, les Béruriers Noirs, les Ska-P que je viens de découvrir).

Mais ma vie se partage en deux passions qui me sont essentielles : l'écriture et mon amie

Tiens, dans l'une de te tes questions, tu me demandais si javais des projets d'écriture et je t'ai parlé de l'Enfant du Placard. Et bien les Editions Saint-Martin viennent de me répondre et seraient intéressé pour sa publication. Il faut que je vois avec eux, car comme c'est une publication plutôt à compte d'auteur, il y a un investissement de temps et d'argent, donc à voir et à suivre

Y : Tu parles du compte d'auteur qui est très décrié, j'ai fait pour le site un reportage qui était plutôt négatif envers ce mode d'édition (http://climaginaire.joueb.com/news/696.shtml). Quel est ton opinion sur ce sujet ?

MM : Il n'est pas évident d'être publié par de grandes maisons d'édition, la lutte et la sélection sont terribles. Il n'y a pas longtemps j'ai appris que dans certaines maisons d'édition, avant que le manuscrit ne soit lu par le comité de lecture, il y avait une première épuration. Dur dur donc, recalé avant même d'avoir été lu (ou totalement lu) !!

A mon avis, une histoire qui n'est pas acceptée par une maison d'édition à compte d'éditeur ne veut pas forcément dire quelle est mauvaise et mal écrite. Elle ne correspond pas simplement à certains critères de rentabilité. Quantité, qualité et rentabilité ne sont donc pas forcément synonymes.

Il y a donc le monde de l'édition à compte d'auteur et là aussi dur dur : il faut s'investir financièrement, personnellement et puis on risque de rester avec un tas de bouquins sur les bras et un gros trou dans son budget.

Pour l'Enfant du Placard, c'est assez particulier. En effet, j'ai rencontré les éditeurs sur le salon du livre à La Couture où j'ai pu dialoguer avec eux et me rendre compte de leur investissement sur le terrain pour leurs ouvrages personnels et ceux de leurs auteurs. De plus le dialogue est très bien passé avec eux. Ils me semblent sérieux et j'ai l'impression qu'ils s'investissent à fond pour leur maison d'édition et pour leurs auteurs (même si les impressions ne sont pas forcément la réalité).

De plus, j'établis de nombreux contacts avec les libraires et commence à me faire connaître dans la région et dans d'autres également via le net (?). J'ai aussi un petit réseau qui se crée au niveau des médias locaux (presse et TV).

De plus, l'Enfant du Placard est publié en plusieurs épisodes dans le Journal du Pays, un journal de ma région qui est distribué gratuitement chaque semaine. De quoi donc fidéliser les lecteurs et leur proposer ensuite l'histoire en bouquin.

Finalement, ce bouquin permettrait de faire la transition avec le Masque de l'Archange dans la foulée. Un premier livre et puis hop quelques mois plus tard, un second.

Après, proposer mon manuscrit à cette maison d'édition m'a permis d'avoir un avis. Il n'est pas exclu que je le présente à d'autres maison d'édition au cas où...

Et pour (bientôt) conclure sur cette question : de la manière dont je m'investis actuellement par rapport à ma maison d'édition et à son investissement, autant que je signe à compte d'auteur...

Sinon, il est clair que si l'on publie un livre à compte d'auteur, il vaut mieux savoir où l'on va et avec qui. Et même là, c'est peut-être pas gagné !

Y : D'après ce que j'ai compris, tu n'es pas content de l'investissement de ta maison d'édition (Bénévent) pour ton livre, qui est pourtant, je le répète, extrêmement intéressant. Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui veut débuter dans l'écriture, pour éviter certaines mésaventures ?

MM : Le mot exact, je pense pour qualifier mon ressentiment vis-à-vis de Bénévent serait en fait « Insatisfait ». J'aurais cru en effet qu'ils se seraient beaucoup plus investi.

Sinon pour les conseils, j'ai déjà été contacté par quelques jeunes auteur (tout comme moi) qui veulent en savoir plus. Voilà en gros ce que je leur ai conseillé ou vais leur répondre à travers ce que je vis, ce que je vois, j'entends et ce que j'en comprends :

Essayer de solliciter des maisons d'édition de leur région tout d'abord, c'est plus facile pour communiquer et se rencontrer ; taper à la porte de plusieurs maisons d'édition et ne pas trop précipiter les choses ; ne pas hésiter à se rendre sur les salons du livre où l'on peut rencontrer des auteurs, des éditeurs. Cela permet de se familiariser avec eux et avec le monde de l'édition et puis aussi de faire passer leurs textes ; une fois que c'est signé avec une maison d'édition, il ne faut surtout pas les lâcher, leur poser tout un tas de questions, clarifier ce qui ne vous semble pas clair et revendiquer vos idées et points de vue. Et puis finalement ne pas hésiter à se plonger dans le bain, car une fois que le livre est conceptualisé puis qu'il est « mis au monde » il faut lui donner les moyens d'exister et d'être lu. La création d'un livre est, malgré certains obstacles ou imperfections, une sacré aventure qu'il faut ne pas hésiter à vivre. Et comme dirait l'autre « l'aventure c'est l'aventure ! »

Y : Merci pour ces précisions qui complète bien le reportage que nous avions fait sur la question. Avant de clore cet entretien, as-tu un dernier mot à dire à nos lecteurs ?

MM : Au plaisir de vous rencontrer au détour d'une page de mon premier roman et des autres qui suivront. Bonnes lectures à vous et salutations lyriques.