Les Chroniques de l'Imaginaire

Jaime

Arsenik_ : Bonjour Jaime. Tout d'abord merci de consacrer un peu de ton temps aux Chroniques de l'Imaginaire en acceptant de te prêter au jeu de l'interview. Commençons de manière classique peux tu te présenter à nos lecteurs ?

Jaime : Bonjour. Je suis un jeune homme de 22 ans vivant à présent en Norvège. J'écris depuis quelques années des histoires de style fantastique, et me suis mis à la photo depuis 2 ans. Ces deux arts sont ceux qui mont emmené jusqu'ici, dans les lignes de cette interview, suite à la sortie de mon recueil Amour Délicat et Abstrait - Réalisé - (NdlR : voir la chronique de cet ouvrage).

A : Tu as publié dans de nombreux fanzines qu'aux chroniques nous aimons beaucoup tel que Le Calepin Jaune, Horrifique ou encore Pandémonium pour ne citer qu'eux. Que trouve tu d'intéressant dans la publication dans les fanzines qui n'existe pas dans les éditions plus « pro » ?

J : J'aime le contact avec les créateurs des fanzines qui généralement s'en occupent avec passion et sont ouverts à de nouveaux courants, aux jeunes auteurs. J'aime la façon dont se déroulent les choses dans le monde du fanzinat, baignées dans une atmosphère relaxe. Cela dit j'aimerais toucher un plus grand public et à présent que j'ai fait connaissance avec le milieu du "papier", je commence à proposer des textes aux professionnels. Une de mes nouvelle a été acceptée par un éditeur dont je tairais le nom pour le moment, et devrait être publié dans une anthologie en début d'année prochaine.

A : Mon adorable petit doigt toujours au courant des derniers potins m'a dit il y a peu que tu as un roman en cours de travail ? Quelques mots sur celui-ci ?

J : Mon roman est en fait en cours de travail depuis 5 ans (rires). Pour être plus précis j'en ai achevé l'écriture et il est en cours de correction. Si tout se passe bien je devrais le proposer à quelques éditeurs en début d'année prochaine. Le début d'année prochaine sera donc bien chargé. Le style est celui du fantastique et le thème central est le pouvoir qu'ont les artistes de créer des mondes. Ils peuvent se comparer à des Dieux. Mais que ce passe-t-il lorsqu'ils découvrent que leurs mondes existent bel et bien ? A coté de ça on retrouve de beaux garçons marginaux amoureux et divers thèmes secondaires sont abordés. Je n'en dis pas plus si ce n'est qu'à mon avis ce roman est la synthèse de 5 années d'écriture, le condensé de tout ce que j'ai fait.

A : Jusqu'à présent tes textes ont souvent si ce n'est toujours comme thème celui de l'amour, est ce le seul thème qui inspire ta plume ?

J : Pour le moment et jusqu'à présent, ça a toujours été le thème central de mes histoires, effectivement. Je ne sais pas trop où je vais me diriger dans le futur mais il se peut que j'explore d'autres horizons. Il n'est cependant pas le seul sujet de mes nouvelles. J'aborde les thèmes de l'adolescence, de l'imaginaire, j'essaye de décrire des atmosphères "alternatives". Je ne veux pas mes personnages classiques ou synonymes d'une société dont les rouages fonctionnent à merveille.

A : Tes personnages sont donc toujours amoureux et c'est le coeur qui prime mais pourquoi mets-tu toujours en scène des couples homosexuels hommes, est ce une bataille pour mettre en avant l'homosexualité qui en France reste quand même (et malheureusement) tabou ?

J : Ce n'est pas vraiment une bataille, c'est simplement très personnel. Je n'écris pas sur le thème de l'homosexualité, ou peu je te l'accorde, mais sur celui de l'amour comme tu las compris. Je n'imagine pas mes personnages autres que homosexuels, je ne les créée pas ainsi pour provoquer ou revendiquer quoique que ce soit. Je les trouve beaux de cette manière. A partir de là, si certains esprits peuvent s'ouvrir grâce à mes textes, je ne suis pas mécontent, bien au contraire. J'ai moi-même souvent été victime de réactions homophobes, ce n'est pas vraiment marrant, et moins ces réactions existeront, mieux ça sera.

A : En plus de l'amour avec un grand A, on retrouve régulièrement des scènes d'actes sexuels entre les personnages, parfois à mots couverts et d'autres fois avec des mots qui pourraient être qualifiés de crus (je pense notamment à tes nouvelles Fable Rose et Amour délicat et abstrait réalisé-), n'as-tu pas peur de rebuter les potentiels éditeurs qui eux auraient peur de choquer leur lectorat ?

J : C'est pour cette raison que Fable Rose et ADEA restent impubliées, l'une a justement été refusée à cause de son coté sexuel, l'autre, ADEA, a été à la base écrit et retenue pour une antho érotique qui n'a jamais vu le jour. Je ne sais aujourd'hui pas à qui les proposer compte tenu du coté sexuel développé et il est évident que la plupart des éditeurs/associations/fanzines, la refuserait. C'est un dilemme donc, car je ne veux pas modifier ces deux nouvelles, notamment la deuxième, juste pour le plaisir d'être publié, mais si je ne le fais pas qui lira donc ces textes ? Il faut que je trouve des chemins alternatifs, c'est pour cette raison qu'elles apparaissent dans mon dernier recueil, publié au sein de l'OF que je dirige. En gros on pourrait parler d'auto publication.

A : Justement, peux-tu nous parler de l'association que tu as créé avec Herelys Deslandes (co-fondatrice de feu Pandémonium), l'Orchestre Fantomatique ?

J : L'OF est une association à but non lucratif dont le but est la publication de jeunes artistes (auteurs, illustrateurs) oeuvrant dans les domaines de l'imaginaires. Nous avons également pour but de toucher au thème de l'homosexualité masculine, sans pour autant que cela devienne le sujet principal de nos productions.

A : L'homosexualité masculine te tiens particulièrement à coeur mais pourquoi ne pas élargir aussi à l'homosexualité féminine ? Je sais qu'il existe des "clans", des lieux gay-friendly qui n'acceptent que l'un ou l'autre mais où les genres ne se mélangent pas, est-ce aussi le cas de l'OF ?

J : Je suis le fondateur de l'OF, HéréLys m'a ensuite rejoint sur ma demande, ce que j'ai énormément apprécié, et il s'agit encore là de goûts personnels. Ma préférence va au couple homosexuel masculin et j'aimerais que l'OF suive cette ligne là. Par ailleurs, je trouve que la littérature homosexuelle (masculine) est fermée sur elle-même et parle sans cesse de coming-out et d'histoires se déroulant dans le milieu. L'association ne prendra pas cette voix-là, je ne la vois pas en tant qu'association homosexuelle, je m'explique : Lorsque dans un roman policier, par exemple, on suit l'histoire d'un homme enquêtant, qui tombe au milieu du livre amoureux d'une femme, on ne se dit pas immédiatement « Ah, c'est une histoire d'amour hétérosexuel ! ». C'est une histoire policière avec une histoire d'amour plus ou moins développée. Les personnages sont hétérosexuels et cela nous semble tout à fait normal. J'aimerais que ça soit la même chose avec les publications de l'OF, que l'on ne pense pas systématiquement « ah c'est une histoire d'amour homosexuel » alors que c'est en fait une histoire fantastique avec un homme qui se révèle avoir des préférences. L'OF travaille avant tout avec les milieux de l'Imaginaire, nous ne nous battons pas pour le droit des homos pour ainsi dire, mais essayons de faire passer ce thème comme "habituel". C'est très difficile car les auteurs ont tendance à vouloir parler des réalités d'une relation homosexuelle, ce que je comprends, il y a cependant déjà tellement de livres sur le sujet... Pour revenir à ta question, j'ai en fait déjà songé à une anthologie spéciale "femmes", ou alors mélanger les genres dans un prochain recueil, mais ma passion, à ce moment là s'amoindrirait et c'est la passion qui fait fonctionner une association. Si tu as une passion pour la couleur noire, tu ne vas pas tout à coup t'habiller en blanc pour plaire à ton entourage. A partir de là il est vrai que je suis très ouvert et que je peux faire des exceptions, nous verrons dans le futur !

A : Seulement deux recueils de publiés pour l'instant ... quels sont les projets de l'Orchestre Fantomatique ?

J : Nous travaillons en ce moment sur une anthologie sur la thématique des "anges". Cinq auteurs ont été sélectionnés et ont à écrire deux textes chacun, le recueil sera divisé en deux parties, "nature" et "urbaine/industrielle". Si tout se passe bien l'antho devrait voir le jour au printemps 2006. Elle devrait être plus travaillée que la première (Anges Brisés), un peu plus professionnelle tout en privilégiant de jeunes auteurs. * Nous ne manquerons pas de chroniquer cet ouvrage dès sa parution, foi d'Arsenik_ !

A : Quels sont les auteurs qui t'ont donné l'envie décrire ? Et ceux qui ont la meilleure place dans ta bibliothèque ?

J : Poppy Z. Brite a été le déclencheur à mes 16 ans. Auparavant je n'écrivais que des poèmes inspirés par divers poètes. J'ai trouvé en ce qu'elle faisait, ce que je souhaitais faire moi même à l'époque, et je me suis lancé. Au départ je me suis beaucoup inspiré d'elle, puis petit à petit j'ai pris mon propre chemin. J'aime beaucoup Dennis Cooper aussi, mais la lectures de ses livres me sont toujours très dure. Ses univers sont très sombres, très difficiles à aborder. Je lis beaucoup de fantastique, j'adore ça.

A : Toi qui vit en Norvège peut tu nous parler de l'Imaginaire dans ce pays ?

J : L'Imaginaire en Norvège ? Il y a les trolls ! Du coté de la littérature norvégienne, les littératures de l'Imaginaire ne sont pas très développées. Il y a par contre énormément de livres en anglais importés par certaines boutiques spécialisées pour les friands du genre.

A : Ton site Internet ainsi que celui de l'OF est très beau, quasi pro. Emploies- tu un web master ou bien est-ce toi qui t'occupes de ces deux sites ? Internet est-il pour toi un bon média pour la littérature et penses-tu mettre un jour tes écrits en ligne ?

J : C'est moi qui m'occupe de ces deux sites et qui les ai construit. Je suis autodidacte sur pas mal de plans, il est important de savoir se débrouiller. Je pense qu'Internet est un excellent média de communication, par contre je ne suis pas vraiment amoureux des "livres en ligne". Pour moi le papier reste le plus beau moyen de montrer des textes. Non seulement parce que je n'aime pas vraiment lire à l'écran, mais aussi parce qu'Internet n'est qu'une source d'informations dont on ne contrôle pas vraiment le processus. Un jour un site ferme et tout ce qui est avec disparaît. Il y a bien sûr la possibilité d'imprimer chez soi les textes en ligne, mais la sensualité du livre achevé avec une énergie bien particulière n'y est pas. Il y a tout un travail d'éditions et de soucis d'ensemble qui est fait sur un livre, d'illustrations et de découpe. Je suis par contre pour que les auteurs présentent certaines de leurs nouvelles aux lecteurs sans pour autant parler de "publication", de livre. J'ai moi-même deux ou trois textes sur Internet, dont un sur mon site, mais je reste sur les "publications" version papier, sauf exception.

A : J'ai pu admirer sur ton site les photos que tu fais, cet art est ton autre passion mais laquelle des deux te semble la plus prédominante ?

J : C'est une question très difficile et si j'avais vraiment à nommer la "prédominante", je crois que je dirais l'écriture, car je peux explorer des mondes et des personnages beaucoup plus précisément que par la photographie. Mais je ne doute pas qu'une seule photo peut être beaucoup plus forte qu'un texte dans son ensemble d'où la difficulté de répondre à ta question. Ce sont des univers différents, qui se rapprochent sur certains points. J'aimerais me mettre à la réalisation de films une fois la photographie maîtrisée, c'est-à-dire dans quelques années. Je crois que le cinéma est le point de ralliement entre le texte et la photo.

A : De même que pour tes textes tes photographies représentes de jeunes hommes, est-ce pour les mêmes raisons que citées précédemment ?

J : C'est encore une question de préférences. Les jeunes hommes ont été vénérés depuis des centaines d'années, nous n'avons qu'à lever les yeux sur les sculptures qui nous entourent pour nous en rendre compte. Je ne suis qu'un amoureux de plus de leur beauté. Je sais aussi que cette beauté finira par faner et cela me plaît de fixer de belles images dans le temps. Il est cependant très difficile de travailler avec la beauté, car ça en devient trop facile paradoxalement. L'on retrouve dans mes clichés les thèmes de la recherche de soi même, de la différence, je dirais, de la tristesse/solitude. Je ne sais pas tellement où je veux me diriger mais je recherche mon chemin, ce que j'ai fait jusqu'à présent n'est encore pas assez personnel, pas assez fouillé. Je ne suis pas vraiment satisfait.

A : Comptes-tu un jour publier dans un recueil uniquement des photos sans qu'elles soient la pour illustrer tes textes ? Ou bien faire une expo ?

J : J'ai songé à publier un petit recueil contenant mon travail photographique mais je ne veux plus trop faire de l'auto publication, d'autant plus que comme je l'ai dit je ne suis pas encore très satisfait de ce que je fais en photo. Mais je réunirais sûrement un recueil dans le futur et essayerais de le proposer à un éditeur, une association... En attendant je vais commencer à proposer des clichés individuels à des magazines spécialisés, d'art, de modes, etc. On verra bien où cela me mènera ! En ce qui concerne les expos, je vais participer à ma première à la fin de l'année scolaire, à Oslo, avec le reste de ma classe. Je ne sais pas encore combien de mes photos seront exposées.

A : Tu es talentueux, n'ayons pas peur des mots, dans ces deux arts que sont la littérature et la photographie, en ce moment tu suis des cours de photographies alors que ni l'un ni l'autre ne sont proche de ta formation originale ? Comment en es tu venu là et aussi comptes tu vivre uniquement de l'art ?

J : Lorsque j'étudiais l'hôtellerie/restauration au lycée, j'ai compris que ce genre de travail ne me conviendrait pas et qu'il me fallait quelque chose de plus profond, de plus personnel. J'avais besoin de créer, de montrer ce que j'avais dans la tête et j'ai commencé à écrire. Le voyage m'a semblé la meilleure solution à mon désir de changement, d'immigration qui me couperait de mon passé, de la restauration et de la scolarité française, pour me recycler. Je suis parti en Norvège avec une organisation (sans connaître la moindre chose de ce pays) puis après un an j'ai trouvé un boulot aux horaires assez cools dans une cantine. Cela m'a permis de continuer à écrire et de commencer à prendre des photos. Avec l'argent mis de coté j'ai voyagé à nouveau, en voiture cette fois-ci, en Europe centrale. Enfin, je suis remonté vers la Norvège et ai décidé après quelques mois de chômage et d'écriture, d'approfondir ma technique en photo. Je suis rentré dans une école en septembre. Je compte partir pour la Russie l'année prochaine et suis en train de faire une demande de Service Volontaire Européen, du bénévolat donc. Même expérience que pour la Norvège, je ne connais rien de la culture Russe et me lance aveuglément à l'aventure. Après avoir connu le pays le plus riche du monde, je vais me jeter dans la pauvreté. Je compte effectivement vivre de l'art, et je crois que j'y parviendrais. Il le faut.

A : Nous y croyons nous aussi et personnellement je suis très fan de ce que tu fais tant au niveau littéraire que photographique ! Merci beaucoup de t'être prêter au jeu des questions, à très bientôt et bon courage pour la suite.

J : Merci pour cette interview et bonne continuation !