Les Chroniques de l'Imaginaire

Le Casino Perdu - Pagel, Michel

Il aurait pu s'appeler Loterie Solaire, mais le nom était déjà pris. Quatre planètes, autant de champions, des portes de couleur s'activant aléatoirement et des aliens adeptes de paris, Le Casino perdu est à la SF ce que la roulette est aux jeux de hasard. Cette réédition chez Les Moutons Electriques s'accompagne d'une uchronie : Orages en Terre de France, d'une postface de l'éditeur et de deux articles de l'auteur sur la question de la classification des oeuvres et des techniques d'écriture propres aux romans d'inspiration historique.

Le roman mobilise des problématiques typiques à la notion de jeu : la peur de l'ennui ; la volonté de gagner à tout prix, y compris par la tricherie et au risque de l'immoralité ; la distraction comme palliatif au désoeuvrement. Le Casino Perdu ne se distingue donc pas par l'originalité de sa réflexion. Par ailleurs, le discours humaniste d'arrière-fond pourra déplaire aux plus critiques, en raison d'un manichéisme moral peu convaincant.

Il faudra plutôt considérer le récit comme un bon passe-temps, inventif et plaisant dans sa manière d'associer une disparité d'éléments narratifs. La construction de ce roman d'aventure futuriste repose sur le principe des trames entrecroisées, avec en toile de fond l'idée d'une achronie (absence de temps) affectant les quatre planètes d'un système solaire. Avec assez classiquement un héros-malgré-lui en rôle principal, un blob libidineux à l'esprit chevaleresque pour la touche humoristique et les incontournables personnages secondaires pleins de bonne volonté mais un peu trop sectaires.

Tout à fait honorable, une histoire qui manque trop de caractère cependant pour qu'on s'y attache véritablement. A cause d'une certaine tendance au bavardage, de rebondissements prévisibles et d'un sentiment de déjà-vu persistant (personnages à la R.C Wagner ou à la Bordage), Le Casino Perdu distrait mais ne surprend pas.

Doté de vraies qualités (concept-story convaincant, humour efficace), un roman qui remplira l'office de détendre son lecteur, à condition qu'il n'y mette pas trop d'attentes.

Un mot enfin sur le court roman et les articles en addition :

Orages en Terre de France est une uchronie qui se déroule dans un XXéme siècle dominé par l'Eglise. On y suit le destin de quatre personnages, dont celui d'un scientifique tiraillé entre ses convictions religieuses, ses exigences de rationalité et ses engagements politiques. Bien construit et écrit dans le style clair qui caractérise Pagel, il remplira là encore l'office de distraire, mais agacera les lecteurs réfractaires au moralisme. Une extrapolation convaincante, nourrie d'un background consistant, qui mérite l'attention des amateurs du genre.

Le premier article de Pagel relance le débat sur la nature et le contenu des oeuvres fictionnelles, de SF en particulier. Mais l'on est déçu de ne voir aucun argument critique nouveau capable de relancer et rafraîchir réellement la polémique.

Le second article est bien plus intéressant. Pagel nous fait part de ses expériences d'écrivain. Il mobilise trois arguments décisifs pour nous convaincre que l'invention doit avoir priorité sur la fidélité aux faits, et les étaie d'exemples probants.