Les Chroniques de l'Imaginaire

Battle royale (Battle royale - 13) - Kushun, Takami & Taguchi, Masayuki

Il ne reste que peu de survivants sur lîle où la classe de 3ème B du collège Shiroiwa a été envoyée pour s'entretuer. Sur les quarante-deux élèves du début, cinq sont encore en vie : le groupe de nos trois héros et deux dangereux prédateurs qui pansent leurs blessures ignorant qu'ils sont tout proches l'un de l'autre. Apercevant la première son rival, la vénéneuse Mitsuko Sôma attaque sans ménagement le démoniaque Kazuo Kiriyama. Mais malgré ses nombreuses plaies, celui-ci prend rapidement le dessus. La belle créature dévoile alors son arme favorite en s'effeuillant impudiquement devant son incrédule ennemi. Comment ce dernier va-t-il réagir ?

Après avoir assassiné de sang-froid plusieurs de ses camarades dont ses plus proches amis, après avoir vaincu toutes ses peurs et n'avoir laissé filtrer aucune émotion lors de son périlleux combat contre Hiroki, Kiriyama sera-t-il finalement vaincu par la belle jeune femme ? La démone angélique réussira-t-elle à faire naître une émotion chez ce démon nihiliste ?

Ni la peur, ni la colère ne semblent l'affecter, mais est-ce qu'un sentiment plus bestial, plus proche de l'instinct de reproduction s'éveillera finalement chez celui qui n'est qu'un homme malgré tout ?

La réponse à ces questions ne fait pas l'ombre d'un doute pour ceux qui ont suivi les tristes exploits de ce fatal sociopathe. Cest donc avec le plus grand regret que nous voyons la si charmante Sôma disparaître sous les balles de son insensible bourreau. Sa mort s'accompagne étrangement dune longue scène durant laquelle l'auteur insiste sur sa reconversion soudaine grâce à un objet jusqu'alors inconnu. C'est bien dommage, car on ne peut s'empêcher d'y voir là un effet mal préparé. Cela importe toutefois peu au vu de la surprenante fin qui nous est offerte avec cette régression infantile chez cette adolescente qui s'est trop tôt confrontée au monde des adultes. On doit tout de même avouer qu'on aurait préféré que ce duel dure plus longtemps. Non seulement pour profiter encore un peu de la plastique de rêve de cette mante religieuse, mais aussi et surtout pour nuancer davantage le radicalisme de Kiriyama qui aurait ici mérité d'être véritablement ébranlé.

Si le scénario est toujours aussi passionnant, il ne faut pas oublier que cette série doit beaucoup à l'étonnante qualité de son graphisme : l'aspect gore tant décrié par certains souligne ici admirablement l'horreur de la mort de la belle Sôma, notamment lorsque son charmant visage est violemment déchiqueté par une balle. Vanitas vanitatum, et omnia vanitas et voilà que le corps magnifique de la déesse se transforme en un instant en une immonde charogne, en une rose fanée parmi les fleurs d'un jardin devenu champ de bataille. Tout est là ; tout et son contraire. On dirait du Baudelaire. Alors oui, quand l'horreur est aussi belle, il y a sûrement de quoi faire de la poésie ou, tout du moins, de quoi crier au génie.

Mais comme ces plaisirs exquis ne semblent pas appartenir à notre monde, il ne faudra pas nous étonner si le prochain tome signe malheureusement la fin de cette série en tout point exceptionnelle. Alors en attendant, Carpe diem et profitons sans retenue de ce volume-ci.