Les Chroniques de l'Imaginaire

Unknown armies - Livre de base (Unknown armies)

A de maintes reprises, on a pu prétendre Unknown armies (UA) sur les confins contemporains de l'horreur et de l'occulte. Dans ces dires, rien n'est faux. Mais l'on devrait surtout le retenir comme un jeu d'ambiance, au sein duquel celle-ci prévaudrait presque sur les dés, un jeu d'une ambiance relativement atypique... Cest l'Underground ; le cachet du jeu tient entier dans ce mot. En conséquence de quoi, pour en rendre compte, il nous faudrait vous le dépeindre. Et pourtant, ce sera là, l'application des Pjs, que de l'explorer...

Si le système du jeu paraît assez simple, dans un premier temps, et s'avère relégué quelque peu sur un plan second par un puissant Background, il reste qu'au fil de la lecture, les choses tendent à se pondérer. Au reste, il serait opportun de présenter la structure du livre.

Celui-ci se divise en trois grandes parties : la dernière est réservée au MJ et les deux autres sont à faire lire progressivement aux PJs ; enfin, comme ils l'entendent. Tout dépendra du type de campagne que veut jouer la table. On a trois types de campagnes : Urbaine, Globale et Cosmique ; Urbaine et les joueurs commencent à prendre conscience qu'il se passe, entre les mailles de leur réalité (le jeu se déroule de nos jours, sur un référentiel fortement empreint de la culture américaine ; toutefois rien n'empêche de le transplanter dans un autre pays) des choses assez louches, ils veulent chercher à comprendre, intégrer l'Underground ; Globale et ceux-ci entrent en possession d'informations nécessaires à leur survie, apprennent, évoluent maintenant dans les viscères de l'Underground ; Cosmique, ce qui signifie que les joueurs en savent beaucoup, représentent de grands rouages au sein de l'Underground.

A savoir, le chemin est irréversible ; une fois que l'on accède aux arcanes de l'Underground, il est difficile ensuite de redémarrer dans les sphères urbaines, avec un perso censé ne rien connaître ; à tous le moins le plaisir en ressort tout à fait défloré.

A ces trois sections primordiales, s'ajoute une nouvelle en guise d'introduction (dont on est heureux de constater que les personnages sont repris parfois dans les exemples, ou sur les illustrations, cela confère une singulière cohésion), des témoignages fictifs (fictifs ? qui sait ?) en début de chaque section, ainsi que les rumeurs de l'underground pour accréditer et susciter une palanquée d'idées... J'allais oublier, bien sûr, un scénario : Kill Bill 3 (peut déconcerté pas mal le néophyte à la première partie ; naturellement, nous sommes en tous les cas prévenus sur le quatrième : ce jeu s'adresse aux joueurs avertis ; ceci, pas pour le seul scénario, mais pour l'intégrité du jeu ; il est vrai, qu'il peut laisser quelque peu dans les choux, sur le début).

Concernant le système disions-nous pour faire une grossière synthèse, on joue sur un dè cent. Pour les personnages, quatre caractéristiques : Corps, Vitesse, Âme, Esprit. Dans ces caractéristiques, un certain nombre de compétences prédéfinie (bagarre, éducation, initiative, charme) puis un certain nombre de compétences dont le joueur doit lui-même inventer le nom et les attributions (résiste à la dope synthétique, court en talon, tient en respect les condés). Tout ça noté de un à cent ; le but étant dobtenir, lorsqu'on jette les dés, un score en dessous du niveau de la caractéristique ou de la compétence. Voilà, on ne parlera pas des flip-flop (inversion des dés), des intuitions (possibilité de connaître le prochain résultat et de le conserver pour un prochain jet) et du reste... Avec ça, l'on n'effectue pas les mêmes genres de tests pour chaque action. Selon que cette dernière est périlleuse ou non, on effectue un test mineur, moyen ou majeur.

Autant le dire tout de suite, le jeu se trouve être particulièrement réaliste dans la gestion des combats, comme des actions. Les joueurs, au lieu de jeter, à tout venant tout vent, les dès auront tôt fait d'utiliser leurs cervelles.

C'est que ces derniers incarnent des êtres communs (si vous considérer qu'il existe des personnes communes) du temps présent, qui vont rapidement plonger dans des délires magiques, s'enfoncer, sans queue ni tête, dans le ventre de lieux non-pareilles, au milieux d'êtres, de scènes et d'intrigues, assez peu propres à ménager les facultés rationnelles. Bien entendu, cette lente dégringolade en enfer est motivée par de certaines raisons (à définir pour chaque personnage), comme aussi la solidarité (ou les liens) du groupe doivent trouver des causes...

Convenons qu'au départ, cela s'avère attrayant, vraiment, la première descente, chercher le pourquoi du comment, jouer un personnage à plaisir perturbé ; seulement, au stade cosmique, on ressent la vague impression de tourner en rond, de retomber sur le même fond qui fait qu'un jeu devient rudimentaire : le pouvoir, l'hégémonie, la superpuissance mais là, c'est mon avis, je peux me tromper, si certains veulent m'occirent, je le conçois... Aussi, si le Background commence à pécher, si les joueurs n'ont plus l'air à coup sûr éberlué, on est heureux d'avoir des personnages à 4 fragilisé en Soi, ou 10 endurci en violence, tels qu'ils en ont tant vu, qu'ils sont quasiment la bête, savent à peine se comporter en société... Parce qu'au delà du petit système simple que l'on a décrit, les choses se compliquent avec des pulsion de rage, de noblesse ou de peur, des échelles de folie, des tests de stress, des obsessions, des passions, intervenant dans les jets, que l'on a déterminé à la création du perso, puis l'on découvre les différentes formes de magies, les conditions pour la générer, les tabous... Au final, on reconnaît les règles en tant qu'elles se font un appui formidable au Background. Ceci, en dépit de son caractère arbitraire parfois aléatoire. Encore, ce caractère n'est-il pas finalement intrinsèque à l'Underground ?

En outre, signalons que le présent ouvrage gagne encore à développer son scénario, son univers à travers un supplément, adjoint à l'écran, sans parler de la gamme qui suit, paraît-il restreinte, mais de belle exhaustivité. Bref, l'Underground demeure une mine d'idées, un univers au potentiel énorme d'imagination...

A noter, pour finir, l'éminente qualité artistique de l'ouvrage, autant dans l'illustration, dans les références, que dans la langue employée. De fait, la gouaille littéraire, l'argot bien fourni, l'humour en masse, qui fait feu de tout bois, ne peut qu'entraîner le lecteur à l'interprétation, plus qu'à dissimuler son perso derrière les jets...

En conclusion, si nous avons souligner l'accent mis sur l'interprétation, le fait que ce jeu ravive, avant qu'il soit une suite aride de dés, le Jeu de rôle en tant qu'il est dialogue, parole, ambiance on nous reprochera certainement de n'avoir, tout bien considéré, présenter aucun aspect de l'Underground. En réponse, nous ne résisterons pas à l'erreur de retranscrire ici la quatrième de couverture :

Il se passe quelque chose en dessous...

Sous le reflet terrestre du paradis, sous le monde de nos désirs, il y a des rues. Des rues aux noms secrets, des rues qui relient les arrière-cours de notre civilisation aux terrains vagues puants durine du cosmos. Des rues qui plongent tout droit dans l'underground.

Visionnaires obsédés, dégénérés mystiques, délinquant bardés de diplômes, païens déchus, érudits renégats, dealers hermaphrodites, vétérans de l'armée aux penchants francs-maçons, habitants des égouts, adorateurs de boîtes en carton, confréries occultes demployés dépicerie, disciples de James Dean, terroristes holistes, animateurs de télé réalité, autistes extralucides, adeptes du zapping sur la chaîne tantrique, partisans de la théorie du suicide de JFK...

Dans l'Underground, personne n'est ordinaire...

Il y a ces enfants élevés comme des divinités, ces acteurs qui refusent d'être vus ou entendus, ces types qui parlent le langage des chats, ce gamin du cours élémentaire qui s'est dévoré le pouce, ces vieilles âmes réincarnées dans ces corps d'enfants, ces types qui croient que l'homme n'est jamais allé sur la lune, ces types qui croient qu'ils sont la lune...

Le monde ordinaire peut bien aller se faire foutre...