Les Chroniques de l'Imaginaire

La Cité Nymphale (Chromozone - 3) - Beauverger, Stéphane

Les Noctivores se terminaient sur un air de trahison, avec la tête de Kahleel transformée en purée de pastèque chromozonée. Changement de cap avec ce troisième volume : après la visite touristique d'un Marseille halluciné, direction Paris, neo-capitale d'un monde au bord du gouffre et lieu d'escale d'un Cendre devenu tout à la fois super-star et prophète. Comme à son habitude, Beauverger en profite pour mettre en scène une nouvelle faction de son univers : la Parispapauté, sorte d'Eglise new age prônant la non-violence.

Difficile forcément de les trouver à leur place, surtout lorsque les deux figures féminines du cycle du Chromozone se posent en porte-à-faux. D'où quelques cinquante premières pages un peu laborieuses, où l'on peine à savoir clairement quel message l'auteur a cherché à transmettre : discours sur l'impuissance de la tolérance, apologie de la non-violence, ou tout simplement appel à la diversité des formes sociétales ? Le décryptage n'est pas aisé, mais les lignes de lecture possible laissent dubitatif.

Beaucoup plus convaincante, la deuxième partie du roman démontre à nouveaux frais combien le Romeo est bien la véritable star de l'histoire, depuis la mort de l'Ogre. Ce monstre de duplicité et vrai/faux anti-héros mange littéralement la vedette aux autres personnages et ne cesse de mettre le lecteur dans l'impossibilité de prononcer un jugement pertinent sur son cas. Avec l'entrée en scène du Romeo, c'est comme si l'ensemble des autres personnages valaient désormais pour zéro, d'autant que le seul rival acceptable (prestance + complexité psychologique), Peter Lerner, est relégué dans l'ombre du récit. Un choix d'ailleurs assumé avec une certaine efficacité, et qui laisse l'agréable sentiment d'avoir encore tout à lire et tout à imaginer, un monde ouvert devant soi à la fin du cycle. Cela nous change des clôtures post 800 pages, où le monde retrouve soudainement paix et cohérence, alors qu'il avait pourtant connu les plus fortes perturbations jusque-là.

La Cité Nymphale est-il un bon roman ? Après l'avoir lu dans son intégralité, je dirais plutôt qu'il s'agit d'une oeuvre composant avec des éléments antagonistes et parfois d'une surprenante incompatibilité. Ce qui peut tout autant être un défaut qu'une force. Dans le cas de La Cité Nymphale, on se retrouve au croisement du plus prometteur comme du plus prévisible : à la fois combat contre le schématisme narratif et idéologique ; et ballade champêtre au pays des désillusions post-datées. La demi-teinte, forcément, pour un roman cannibale de son personnage principal.