Les Chroniques de l'Imaginaire

Orange - Benjamin

On pourrait trouver cela terriblement kitsh. Comme une bd teinte au curaçao bleue. On pourrait trouver l'histoire terriblement melo : peut-on décharger autrui de sa propre mort en endossant son destin à sa place ? Mais Benjamin est trop doué pour tomber dans ces travers.

La perspicacité psychologique de l'auteur, son approche élégante dune question brûlante (l'avenir des jeunes) et sa capacité à aborder de front les thèmes les plus crûs sans tomber dans la caricature, tout cela fait de Orange une bande-dessinée de premier plan.

Touchant, profond sans en avoir l'air, Orange a été réalisée sur une période de trois ans, au moment où l'auteur était plongé dans un état de dépression profonde. Inédit en Chine parce que jugé trop déprimant (le bon goût des éditeurs est définitivement démontré), il fait son apparition en France dans la plus prestigieuse maison d'édition de bd chinoise du moment : Xiao Pan. Voilà, on pourrait maintenant passer à l'analyse. Évoquer la maîtrise technique de l'auteur, son talent à faire passer les émotions au travers des postures et des poses de ses personnages. Revenir sur les couleurs employées et noter comment, bien loin d'ancrer le récit dans la fable, celles-ci ne font que sublimer l'impact émotionnel, marquer chaque geste, chaque regard, d'une dimension esthétique forte.

Mais Orange fait partie de ces histoires qui perdent à être décortiquées. Son intérêt essentiel réside en effet dans la simplicité du geste qu'elle esquisse : un regard direct, franc et lucide sur la jeunesse d'aujourd'hui.