Green, Simon R
Polgara : Quelle est ta définition d'un bon livre ?
Simon R. Green : Comment est-ce que je définis ce qu'est un bon livre ? Je pense que la réponse est la même qu'il s'agisse d'un livre que j'écris ou d'un livre que je lis. J'ai la conviction que les meilleurs écrits viennent du coeur. Cela doit compter pour vous ; si cela ne vous blesse pas ou ne vous touche pas, cela ne comptera pas pour le lecteur. J'écris à propos des choses qui comptent le plus à mes yeux, que ce soit la politique ou la religion, ou simplement à propos de personnes qui traversent une période de crise. Une grande partie de mon travail est autobiographique, ouvertement comme dans Drinking the midnight wine qui se déroule dans ma ville Bradford-on-Avon, ou d'une manière plus métaphorique, comme dans La nuit de la lune bleue. Tout ce qu'il y a à savoir sur moi se trouve quelque part dans mes livres .
P : Oh cela signifie que tu as une licorne et un dragon pour amis, que ta voix intérieure s'appelle Ozzymandia, que tu vis dans une tour où tu peux percevoir des énergies fantômes avec ton troisième oeil quand tu ne sirotes pas un bon vieux coca-cola ?
SRG : En fait, oui. Je suis très sage et merveilleux, je connais beaucoup de choses, certaines sont vraies. Surtout le mardi.
P : As-tu toujours su que tu serais écrivain ?
SRG : J'ai toujours espéré que je deviendrais écrivain. J'étais encore à l'école quand j'ai commencé à écrire mes premières histoires. Je n'ai pas pris la chose très au sérieux jusqu'à mon entrée à l'université à Londres. En fait, jai commencé ma carrière en tant qu'acteur. Je travaillais au théâtre et à la télévision. Comme beaucoup de gens dans la profession, je n'arrivais pas à gagner assez d'argent pour en vivre. Donc, quand j'ai commencé à avoir du succès avec l'écriture, j'ai poursuivi dans cette voie (j'ai aussi essayé de me lancer dans une carrière de chanteur dans un groupe de rock. Malheureusement mon talent musical étant inexistant et ma voix d'oie qui pète dans le brouillard ont largement contribué à mon échec dans cette entreprise). Donc, j'ai commencé à écrire sérieusement en 1973, j'ai vendu mes premières nouvelles en 1977-79, mais je n'ai pas réussi à me faire une place assez importante sur le marché pour gagner assez d'argent. Donc, j'ai exercé pas mal de métiers pour gagner ma vie : assistant vendeur, journaliste, réparateur de vélos. En 1985, alors que je venais d'avoir trente ans, je me suis retrouvé au chômage pour la première fois de ma vie. J'ai dû retourner vivre avec mes parents parce que je ne pouvais pas me payer un appartement. Je me suis dit que si je devais écrire sérieusement, c'était le moment de le faire et j'ai écrit sept romans pendant cette période. Tous ont été refusés maintes et maintes fois. Je suis resté au chômage pendant trois ans et demi, incapable de me trouver le moindre travail. En 1988, j'ai finalement été embauché par la librairie Bilbo de la ville de Bath. J'ai commencé à travailler un lundi et le mercredi, j'ai reçu une lettre d'Ace Publishers, un éditeur américain. En gros, il me disait « vous vous souvenez du roman que vous nous avez envoyé il y a deux ans ? On aimerait bien le publier. Et puis, ça vous intéresserait d'écrire cinq livres en plus avec les mêmes personnages ?». Il s'agissait de la série des Hawk & Fisher. Ce contrat m'a permis d'avoir un agent américain qui a vendu cinq des livres que j'avais écrit pendant mes années de chômage. C'est comme ça que j'ai commencé.
P : Est-ce que le fait d'être publié a changé ta vie ?
SRG : Eh bien, cela a surtout signifié que je faisais ce que j'avais toujours voulu faire, ce que j'étais censé faire depuis toujours. Et comme j'ai eu assez de chance, mes livres se sont bien vendus au contraire de tant d'auteurs. Maintenant, je peux vivre dans le confort, ce qui n'était pas le cas dans ma jeunesse. Par contre, je ne peux pas dire que je suis attaché au côté « célébrité », je l'ai toujours dit. Je préfère que mes livres soient connus. Je me moque de l'être.
P : Tu as exploré les domaine de la fantasy, de la science-fiction et les histoires d'agents secrets. Quel autre genre vas-tu essayer maintenant ?
SRG : Le prochain ? Diable, je n'ai même pas encore commencé. Il y a plein de genre de livres que j'ai envie de faire. J'envisage d'écrire un roman de science-fiction intitulé In the zone, un roman de fantasy intitulé Ghosts of future lovers. J'ai aussi envie d'écrire un roman qui va faire vraiment peur, The crawling kind. Je travaille également sur une pièce de théâtre, théorie optimiste sur les raisons pour lesquelles tant de gens créatifs se suicident. Elle s'intitule Listening for the bullet. Sinon, la plupart du temps, je travaille sur mes romans principaux. J'essaie toujours de prendre des congés pour travailler sur mes autres projets, une pratique qui m'a toujours rapproché de mes éditeurs quand je prends du retard . Et un de ces jours, je prendrais le temps de m'asseoir et d'écrire les contes de Bruin Bear and the Sea goat.
P : Utililises-tu tes romans pour régler des comptes ? D'une manière plus générale, utilises-tu tes livres pour transmettre un message particulier ?
SRG : Si quelqu'un m'ennuie vraiment, je le mets dans le livre que je suis en train d'écrire et je le tue horriblement. Ceci explique pourquoi il y a tant de morts dans mes livres. D'ailleurs, ils contiennent tous des messages, même si je n'essaie pas de les délivrer de but en blanc. Tous les livres qui méritent qu'on s'y intéresse ont un point de vue ou un "compas" moral, cependant cela doit transparaître à travers l'histoire et les personnages, pas comme un sermon.
P : Il y a eu beaucoup de questionnement sur internet pour savoir si finalement, Rupert et Julia étaient Hawk et Fisher. Cette petite controverse t'a-t-elle amusé ?
SRG : Ah oui, Hawk et Fisher, Rupert et Julia. J'ai écrit La nuit de la lune bleue entre 1983 et 1985 et je savais que j'avais vraiment fait du bon travail. Pourtant, il a été réfusé par TOUT LE MONDE. J'ai continué de le soumettre alors que j'écrivais en parallèle. Deux ans plus tard, j'ai écrit Hawk & Fisher parce que j'aimais tant les personnages de Rupert et de Julia que j'avais envie de savoir ce qu'ils allaient faire après La nuit de la lune bleue. Cependant, les livres de la série Hawk & Fisher sont sortis avant La nuit de la lune bleue. Je me suis bien amusé en voyant les gens relever les indices que j'avais parsemés dans Hawk & Fisher. J'ai finalement décidé de lever le doute en écrivant Beyond the Blue Moon. J'aime ces personnages et je suis décidé à leur écrire d'autres aventures dans le royaume de la Forêt. Reste à savoir quand ...
P : Après avoir écrit plus de vingt livres tu as toujours quelque chose à dire. Où trouves tu ton incroyable inspiration ?
SRG : Je la trouve dans le monde et les personnes qui m'entourent. Il n'y a qu'à regarder autour de soi pour trouver assez d'inspiration pour un grand nombre de livres. Et le fait d'avoir une bonne imagination m'aide aussi. Comme je le dis souvent, les autres auteurs ont peut-être de meilleurs scénarios, mais personne ne décrit les trucs étranges comme je le fais. Je crois que j'en suis à mon trentre quatrième roman maintenant, même si je ne compte plus, et à ma grande surprise, je suis toujours inspiré. En fait, ma nouvelle série The secret histories trilogy est encore plus remplie de gens et de trucs bizarres que tous mes autres romans. Tant que les idées viennent, que des trucs qui m'intriguent ou me révoltent se produisent dans le monde, je continuerai d'écrire.
P : Relis-tu tes propres romans une fois qu'ils ont été publié ?
SRG : Au moment de la publication d'un de mes romans, je l'ai tellement lu et relu que je ne le perçois plus très clairement. Cependant, étant donné que j'écris des séries, je relis souvent des livres que j'ai écrit quelques années plus tôt. Je suis même surpris de trouver le livre bien meilleur à ce qu'il était dans mes souvenirs. « cest moi qui ai écrit ça ? » je m'impressionne des fois, on croirait même que je savais ce que je faisais
P : Quel regard portes-tu sur tes premiers livres ?
SRG : La nuit de la lune bleue a été écrit il y a presque 25 ans et je pense toujours, pour plusieurs raisons, que c'est un de mes meilleurs romans, certainement un des plus honnêtes et des plus sincères. Mes nouvelles écrites dans les années soixante dix tiennent encore le coup, je trouve. Manslayer, ma première publication dans Airgedlamh magazine a récemment été rééditée. Je la trouve encore très drôle. Il y a aussi une histoire de pirates intitulée Awake Awake Ye Northern Winds,qui fut ma première publication dans une anthologie. Sinon, j'ai récemment relu Swords Against Darkness V, écrite en 1979 et j'ai bien ri. J'espère toujours pouvoir la publier à nouveau en ces temps de films de pirates à succès. En ce qui concerne mes tous premiers travaux, j'ai écrit deux romans pendant l'adolescence. Le premier est un roman de science fiction intitulé Mutantis; Isle Of Mutants. Le second est un roman épique et magique intitulé Forgive Me Not, Forget Me Not. Ces livres ne seront jamais vus par qui que ce soit parce que j'ai appris mon métier en les écrivant. Cependant, je peux toujours venir y piocher des idées et des personnages pour mes romans à venir. Première règle de l'écrivain : rien n'est jamais perdu.
P : Penses-tu venir bientôt à la rencontre de tes lecteurs français ?
SRG : J'adorerais venir en France. Il faut juste trouver le bon moment pour que je puisse m'organiser avec mes autres obligations. J'ai été invite à un festival en France récemment mais ils m'ont prévenu si tard que je n'ai pas pu y aller parce que je vais jouer dans une pièce de Shakespeare au même moment. Cependant, je suis déterminé à venir en France à la rencontre de mes lecteurs !
P : Quels sont tes projets d'écriture ?
SRG : Par contrat, je dois encore écrire deux livres pour la série Nightside. Cela fera neuf tomes dans la série et j'aimerais en écrire encore trois autres avant d'arrêter. J'ai vu trop de séries de fantasy se prolonger indéfiniment. L'auteur finit par perdre toute motivation en dehors de l'argent. En fait, je continuerai d'écrire pour la série des Nightside tant que cela m'amusera, mais je pense que douze tomes, c'est déjà pas mal. Par contrat, je dois aussi écrire trois autres Secret Histories avec Shaman Bond comme personnage principal. Les titres reprennent d'ailleurs ceux des films de James Bond. Par exemple, le premier est intitulé The man with the golden Torc.
P : Pour finir, que puis-je te souhaiter ?
SRG : Qu'est-ce que tu peux me souhaiter ? Eh bien, à part un week-end passionné dans un bon hotel avec Kate Bush et si tu me souhaitais que mon inspiration soit toujours présente et que mes lecteurs continuent de lire ?
P : Bonne idée ! Je le ferai. Merci Simon d'avoir répondu à à mes questions.