Interview de Pierre Brulhet recueillie par Arsenik_
A l'occasion de ma lecture du roman L'enfant du cimetière, l'auteur Pierre Brulhet a bien voulu assouvir ma curiosité en répondant à quelques questions.
Arsenik : Bonjour Pierre, je vous remercie de vous prêter si gentiment au jeu de l'interview pour nos lecteurs. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots pour commencer ?
Pierre Brulhet : Tout d'abord merci à vous et aux Chroniques de l'Imaginaire de bien vouloir m'accorder cette interview. Pour me présenter en quelques mots... Je dirai que je suis un passionné dans tout ce que j'entreprends et que je regrette que les journées ne fassent pas 25 heures ! Plus sérieusement, je suis architecte à plein temps à Paris, je suis marié et père d'une merveilleuse petite fille. Le peu de temps qu'il me reste, je le consacre à l'écriture et à d'autres projets personnels.
A : Vous êtes donc architecte de métier, orientation plutôt à tendance scientifique mais avec un fort penchant vers l'imaginaire car l'architecte doit être plutôt imaginatif. Mais comment d'une école d'architecture êtes-vous arrivé à la poésie et à l'écriture de roman ?
PB : J'ai commencé à écrire vers seize ans, soit bien avant d'avoir même l'idée de devenir architecte. A l'époque, je découvrais les jeux de rôles. C'était juste après mon retour de Côtes d'Ivoire. Cela a été pour moi un vrai défouloir et a exacerbé mon imaginaire. Cela a commencé par l'écriture de scénarios pour MERP puis très vite, l'envie de créer un monde et l'écriture dun premier roman est venue. En le relisant quelques années plus tard, je me rendis compte que ce n'était pas vraiment très bon et que j'avais du travail pour arriver à quelque chose de crédible. Puis l'exercice de la nouvelle (une bonne quinzaine), des poèmes fantastiques (dont certains furent publiés), m'ont donné plus d'assurance. Je pense que mes études d'architecture m'ont appris à structurer un projet que j'ai mis ici au profit du récit. Je ne suis pas étonné de voir autant d'architectes dans le métier du cinéma, de la mode ou de la musique (les membres fondateurs de Pink Floyd étaient étudiants en architecture !)
A : Vous parlez de votre retour de Côtes d'Ivoire et sur votre site j'ai lu que vous avez beaucoup voyagé pour suivre vos parents. Ces voyages vous ont-ils influencé ?
PB : Certainement. Le déracinement a toujours été un catalyseur pour l'imaginaire. Mais je ne me rendais pas compte de tout cela à l'époque. Adolescent, j'étais extrêmement complexé et d'une timidité quasi maladive avec les filles. J'avais quelques bons amis mais globalement j'étais un solitaire. L'imaginaire a vite comblé ce manque. Cela est venu en fait tout naturellement.
A : Votre retour en France a été dur à vivre, surtout pour quelqu'un de complexé et timide, est-ce aussi un plus pour votre écriture ? L'écriture vous a-t-elle aidé à vivre ce douloureux passage adolescent ?
PB : Je pense que oui. A l'époque, je dormais énormément. Ma dépression se traduisait par une fuite dans le sommeil. Mais en même temps, je rêvais beaucoup, je voyageais "sans me déplacer" comme j'aime dire. C'est à cette période que je me suis lancé dans l'écriture, vers dix-huit ans. Je me souviens avoir travaillé tout l'été pour me payer mon premier PC. Je ne connaissais même pas Word et j'ai écris L'enfer blanc, un roman médiéval fantastique, sur le bloc-notes Windows !
A : Quelles étaient vos lectures à l'époque ? Quelles sont-elles aujourd'hui ? Un livre de chevet peut être ?
PB : J'ai un peu honte de le dire mais enfant, je ne lisais pas beaucoup. Je raffolais par contre de BD et c'est peut-être ce qui m'a influencé dans le style très visuel de mon écriture.Plus tard, vers 16-17 ans, j'ai lu DragonLance, Le seigneur des Anneaux, Elric et ça été une vrai claque ! J'ai dévoré tous les heroic fantasy, beaucoup de S-F ou d'anticipation comme les romans de Philip K. Dick, Franck Herbert ou Richard Matheson. Bref je me suis bien rattrapé même si aujourd'hui, je lis moins, le temps me manquant.
A : Votre roman L'enfant du cimetière traite de fantômes (ma foi forts sympathiques), croyez-vous aux fantômes ? A la vie après la mort ?
PB : La vie après la mort ? Peut-être. Les fantômes ? Oui j'y crois assurément. Mais je préfère parler d'Esprits. J'ai vécu plusieurs expériences troublantes là dessus, dont deux avec des proches. Je suis également très sensible aux lieux, aux maisons. Il m'arrive parfois d'avoir des flashs, de voir le passé d'un séjour, d'une chambre, parfois le futur. J'ai de nombreuses anecdotes là dessus, parfois très glauques. Il me faudrait plusieurs pages pour tout raconter. Mais je ne préfère pas trop en parler. C'est un sujet un peu délicat.
A : Cest un roman lisible par les ados comme les adultes, était-ce intentionnel ?
PB : J'ai écrit ce livre pour ma fille quand elle aura douze ans. En fait même s'il a été conçu pour un public pré-ado, je le conseille vivement aux adultes. C'est un peu comme Harry Potter écrit pour la jeunesse et finalement, c'est un public très large en âge qui le lit.
A : Comment s'est passé l'écriture de L'enfant du cimetière ? Combien de temps ? Comment vous est venu cette idée d'enfant abandonné dans un cimetière ?
PB : Jai toujours aimé les cimetières. J'adore m'y promener avec ma femme. J'aime le calme, l'atmosphère hors du temps de ces endroits. C'est au cimetière du Père Lachaise que l'idée m'est venue. En regardant autour de moi, je me suis dit qu'avec ses allées, ses carrefours, ses caveaux qui étaient pour moi de petites maisons, on avait tous les éléments d'un village miniature. J'ai alors imaginé que la nuit tombant, tout ce petit monde endormi se réveillait et transformait le cimetière en un lien bien vivant.L'écriture de L'Enfant du Cimetière s'est faite en deux temps : pendant un mois, j'ai élaboré la structure du récit, avec un découpage précis contenant un résumé de chaque chapitre. Puis quand tout fut en place, l'écriture du conte a duré environ neuf mois. J'y travaillais le soir après mon activité d'architecte. Ce fut pour moi un moment magique car l'écriture s'est déroulée pendant toute la durée de la gestation de ma fille. J'ai eu la sensation d'une réelle transmission de pensée avec elle et ce livre lui est bien sûr dédié.
A : C'est quand même étrange d'écrire un texte/roman pour son enfant qui n'est pas encore né alors que l'on sait pertinemment que cet enfant ne pourra pas le lire avant une dizaine d'années ? Est-ce que la petite fille-esprit et/ou celle à la fin du roman n'est pas un clin d'oeil à votre propre fille ? Imaginez-vous sa réaction après lecture dans quelques années ?
PB : Je n'imagine rien ! Ma fille a juste un an et demi et elle reconnaît déjà le livre de son papa sur la pile de livres rangés dans le couloir. Y a-t-il une transposition entre Ora la fille-Esprit du conte et ma fille ? Probablement. Lorsque j'écris, il y a une part d'inconscient que je laisse volontairement imprégner l'histoire. Je pense que cela donne un petit plus au récit.
A : L'enfant du cimetière est votre premier roman, vous le publiez sur un site de publication en ligne. Aucun éditeur n'a accepté votre tapuscrit ? Est-ce plutôt volontaire ? Pouvez-vous nous parler un peu de ce site qui me semble plus sérieux que certains dont j'ai entendu parler ?
PB : Il est très difficile en France de trouver un éditeur, surtout pour un premier livre et qui plus est une histoire gothique assez sombre pour la jeunesse ! L'histoire est très courte, au format proche de la novella anglo-saxonne. Donc un refus évident. J'ai eu cependant un espoir avec un jeune éditeur spécialisé dans le fantastique. Le livre a été accepté par le comité de lecture. Mais pour des raisons internes et certainement budgétaires, leur collection jeunesse n'a pas pu se faire. Ce fut une vraie déception mais il était hors de question pour moi que l'histoire dorme au fin fond d'un tiroir. C'est en cherchant sur le web que j'ai découvert les éditions Lulu.com (éditeur américain), qui est plus un imprimeur mais dont la grande nouveauté est qu'il édite par flux tendu et donc n'a pas de stock. Le plus incroyable, c'est que c'est gratuit ! Que l'on commande 1 ou 100 exemplaires, le coût de fabrication reste le même et étonnamment faible. En plus de cela, je garde la totalité de mes droits et mon livre peut être commandé sur Amazon. Bref, une petite révolution en soit qui permet à chacun de se lancer dans l'aventure de la publication sans se ruiner. Mais bon le système a ses limites car le livre n'est disponible que sur internet (au format livre broché ou numérique) et pour une diffusion massive, le relais des libraires est indispensable. Ce que je compte bientôt réaliser avec la Fnac.
A : Votre roman est catalogué gothique, vous avez choisi vous-même cette "classification" malgré le fait que ce terme peut avoir une connotation négative dans certains esprits ?
PB : Oui c'est vrai. On prend toujours un risque à cataloguer ainsi un livre. Mais je voulais attirer l'attention du lecteur. J'ai longuement hésité entre "conte fantastique" et "conte gothique". J'ai pensé que "conte gothique" était plus mystérieux, plus approprié en définitive.
A : A propos de l'histoire de L'enfant du cimetière, une question me ronge depuis ma lecture, pourquoi la mère de Yoann l'a-t-elle abandonné et que lui est il arrivé après son départ du cimetière ?
PB : La réponse à cette question sera dans Catacombeville, la suite de L'Enfant du Cimetière. Son écriture verra le jour en fonction du succès ou pas du premier livre. Mes premiers lecteurs me le réclament déjà et la Fnac qui va le distribuer m'a déjà demandé s'il y aurait une suite... On verra bien.
A : Je fais bien sur partie de ceux qui le réclament ;-)Quels sont vos projets littéraires ?
PB : Je suis actuellement dans l'écriture d'un roman, toujours avec des Esprits. L'histoire traitera d'un étrange héritage. Elle sera orientée plus pour un public adulte. J'ai aussi en projet de déposer dans quatre cimetières parisiens, sur un banc, un exemplaire de L'Enfant du Cimetière. En première page, il y aura un mot de ma part expliquant à celui qui aura pris, emporté et lu le livre, de le rendre au cimetière sur le même banc, afin qu'un autre lecteur au hasard de sa promenade, tombe dessus et profite aussi de ce moment magique. Je donnerai bientôt quelques indices sur mon site sur les lieux et le jour où je déposerai simultanément les quatre livres. Ce sera probablement au mois de juin, un samedi ou dimanche, un jour de grand beau temps.
A : Très bonne idée le crossbooking, je suis pour la circulation des livres (même si je suis très attachée aux miens mais bon c'est mon côté ambivalent). Pensez-vous avoir des retours de cette initiative ? En espérez-vous ?
PB : Franchement, je n'en sais rien. J'espère juste que les gens joueront le jeu. Je préfère m'en remettre au hasard et je suis sûr qu'il y aura des surprises.
A : Quels sont vos sentiments suite à cette première publication ? Comment vivez-vous l'après écriture ?
PB : Mes sentiments sont très positifs. Le livre a reçu un bon accueil de la web presse. Pour un jeune auteur comme moi, c'est très encourageant et c'est un excellent moyen de se faire connaître. Le livre est disponible sur Amazon et va être dans quelques semaines distribué à la Fnac. On devrait le trouver "physiquement" à la Fnac des Halles au rayon livres jeunesse avec un coup de coeur dessus.
A : Pierre, je vous remercie pour toutes ces réponses, je souhaite un immense succès à L'enfant du cimetière ainsi qu'à votre carrière d'écrivain que nous ne manquerons pas de suivre.
PB : C'est moi qui vous remercie Arsenik_ pour toute l'attention et la gentillesse que vous avez apportées au livre et au jeune auteur que je suis. Et je souhaite longue vie à votre si beau et si enrichissant site les Chroniques de l'Imaginaire. A très bientôt !