Lucille et Angélique sont deux surs sans histoires jusqu'au jour où, en ouvrant un de leurs livres de classe, la photo du professeur se trouvant sur la couverture s'anime et se met à leur parler. Effarouchées dans un premier temps, les deux complices vont céder à leur curiosité et entrer en contact avec l'éminent professeur Angeluci, relation qui va les plonger dans de palpitantes aventures à l'époque de la Grèce antique où elles vont devoir affronter des dangers de toutes sortes, résoudre des énigmes et faire preuve d'intelligence dans le but suprême de sauver le monde.
Autant il était évident de parler de roman court mais de qualité à propos de L'Affaire du Calmar dans le Grenier de Jean-Pierre Andrevon, autant on tient actuellement la preuve que les lectures s'enchaînent et ne se ressemblent pas à notre grande consternation. Quand Alice aux Pays des Merveilles rencontre la Comtesse de Ségur, cela donne Sauvez les Couloirs du Temps, un mixe discutable entre un voyage dans une Antiquité mythologique où l'on croise aussi bien les dieux que les grands philosophes ou mathématiciens et un style compassé, ennuyeux. Afin de brosser un tableau complet du problème posé par ce roman, on se doit d'ajouter à la longue liste de griefs, un usage impropre de la ponctuation, comme on peut le voir à la page vingt-quatre, couplé à un problème évident d'utilisation des conjonctions appropriées, erreur visible à la page vingt-cinq dans la phrase "[] le nombre de fois que je réponds []" et des termes dans leur acception la plus courante : "Un "OUI MAMAN" collégien" en lieu et place de collégial toujours à la page vingt-cinq. En un mot comme en cent et malgré l'aspect science-fictionnesque de cette oeuvre, on se trouve face à un ouvrage nostalgique d'une époque révolue, genre "c'était mieux avant". Ce qui paraît plus grave, en revanche, est le traitement infligé aux parents des deux petites héroïnes sorties tout droit des Petites Filles Modèles. En effet, dans le but de les mettre en valeur, l'auteur ne prend même pas la peine d'attribuer une identité à leurs parents. Ils ne sont que Papa et Maman, le père appelant même son épouse maman comme si on leur déniait le droit d'être autre chose que des éducateurs ou bien des représentants de l'autorité parentale. Avoir une vision aussi réductrice de la famille et des valeurs censées la représenter donne l'impression de lire un roman dont l'ouverture d'esprit n'est pas la caractéristique première et principale. Cette oeuvre pour le moins réactionnaire réussirait à faire passer La Petite Maison dans la Prairie pour une création hautement subversive. Rien n'est rattachable à la réalité, Lucille et Angélique, âgées respectivement de huit et six ans, sont belles, intelligentes, vives et débordantes d'imagination. Elles sont extrêmement complémentaires comme les deux revers d'une même médaille, tel un Janus des temps modernes. À l'instar du comportement que l'on attribue habituellement aux couples de jumeaux, elles ont inventé leur propre langage secret, une sorte de code dont elles seules connaissent la clé. Enfin, elles ont une éducation parfaite selon les critères propres à une autre époque que la nôtre. Pour se convaincre, il suffit de lire le descriptif servant d'introduction sis aux pages dix et onze. Aucun élément n'interdit d'avoir recours à l'imagination en matière de création littéraire, cependant, il n'est pas nécessaire d'évoluer dans des sphères hautement fantaisistes. Il est évident que l'on a affaire à un roman à réserver strictement à la jeunesse, néanmoins on peut se poser la question de savoir si on veut réellement mettre ses enfants en contact avec un univers aussi poussiéreux et passéiste.