1785, sur le fleuve Amazone. Une frêle embarcation s'avance dans les brumes. A sa tête, un homme à la posture bien droite. Lord Hastings. Une carte indique un emplacement. Les autres hommes sont épuisés, nerveux. Bientôt, une querelle éclate, que Lord Hastings éteint aussitôt. Puis une forme se dessine, lentement, de plus en plus nette dans ce brouillard : la carte disait vrai, le temple de Guyanacapac vient d'être découvert !
Au même moment, en Angleterre, Vivian Hastings se sent bien seule dans son luxueux domaine. Cela fait maintenant trois longues années que son époux est parti pour l'Amérique du Sud, et les économies ont fondu comme neige au soleil. La Lady est dépensière, et elle se voit contrainte de vendre peu à peu tous ses précieux objets. Comme si les ennuis n'étaient pas suffisants, elle découvre avec sa servante Elsie quelle est enceinte ! Il faut bien tuer le temps, lorsque votre mari est absent durant une si longue période...
Le croyant maintenant mort, Vivian prépare son re-mariage avec Lord Prisham, la seule fortune alentour encore assez idiote pour croire Vivian encore riche. Alors que les préparatifs vont bon train, le frère de Lord Hastings débarque avec un indien affirmant que le mari de Vivian est encore en vie. Il faut immédiatement monter une expédition pour le rejoindre. Mais l'argent n'y est plus, et il faut maintenant absolument vendre tous les biens, château inclus.
Outrée de ne pas avoir été plus considérée par son mari, Vivian Hastings se rend chez le docteur Livesey : il paraît que celui-ci connaît des hommes de rien, des criminels de la pire espèce, menés par un fameux John Silver. C'est décidé ! Il y aura bien expédition, mais les hommes de Silver en feront partie ! Et arrivés sur place, Vivian aura sa part du trésor.
John Silver : ce nom ne peut pas vous être inconnu, si vous êtes fan d'histoires de pirates. Robert Louis Stevenson, L'île au trésor, le capitaine Flint, le jeune Hawkins. Autant de noms cultes qui nous ont forcément bercé dans notre jeunesse. Xavier Dorison, l'auteur de Sanctuaire et autre Troisième Testament, s'attaque ici avec force et audace à un vieux démon. L'histoire ici réanime le personnage emblématique de John Silver, bien après la fin de L'île au trésor.
Et c'est fait avec tout le talent que l'on connaît chez Dorison ! Le scénario se met en place de façon très efficace. Attention, cela ne se veut aucunement une suite de l'oeuvre de R.L. Stevenson cependant. Plusieurs personnages sont ici centraux. Outre John Silver, bien entendu, on ne peut qu'être admiratif devant le travail accompli autour de la personnalité de Vivian Hastings. Même les personnages secondaires comme la femme de chambre Elsie ou le docteur Livesey sont fouillés et très intéressants.
On assiste à une série qui se met en place lentement mais sûrement : rien n'est fait avec empressement (ce qui explique sans doute les 58 planches au lieu des 48 habituelles), et le tout est prévu en quatre tomes. Nul doute que cette série sera à retenir.
Côté dessins, c'est beau à souhait. Parfois sombre, parfois chaleureux, voire lumineux sur certains visages. Détaillées au niveau des décors et des couleurs, les planches sont chatoyantes et me font penser parfois au Peter Pan de Loisel. Comment ? Vous n'êtes pas encore en train de courir chez votre libraire ?