Ushijima gère un petit commerce très lucratif. Il est « Yamikin », autrement dit usurier. C'est vers lui que se tournent les personnes éboutées des services de prêts habituels : les joueurs invétérés, les mauvais créanciers, tous finissent par tomber dans les mailles de ses filets. Takada est un nouveau venu dans l'équipe de l'usurier. Il va apprendre les ficelles du métier : comment appâter les clients, comment les mettre à genoux pour en faire des esclaves dociles. Car Ushijima se fait toujours rembourser quitte à prostituer ses créanciers ou à leur faire commettre divers larcins.
Ce premier volume sert d'introduction. On y découvre le milieu dans lequel se situe l'histoire et on en apprend plus sur les pratiques sordides que sur les personnages. Le récit se concentre de ce fait davantage sur les clients que sur Ushijima. C'est vraiment la misère sociale qui nous est montrée dans toute son horreur. Et le terme n'est pas anodin, puisqu'à de nombreuses reprises, afin de souligner la descente aux enfers des clients endettés, le graphisme vire dans le fantastique et nous rappelle le bien moins intéressant « Manoir de l'horreur » de Ochazukenori. Le récit oscille donc ici entre la critique sociale et le film d'horreur dont la violence est d'autant plus insoutenable quelle est réaliste. Certaines scènes, comme celle du reclus obligé de manger des pâtes crues parce qu'on lui a coupé l'eau et l'électricité, font véritablement froid dans le dos. Les traits de l'usurier sont aussi surprenants. Avec sa barbichette, ses yeux vides et ses oreilles en pointes il a tout l'air d'un diable. Mais un diable bien particulier ; un diable d'avarice. Véritable calculette humaine capable de réciter des pages entières de formules de taux d'intérêts, Ushijima a perdu toute humanité, lui qui considère ses clients comme des « esclaves ». C'est d'ailleurs de là que viendra le seul défaut notable de ce tome. La surabondance de chiffres en yen lasse à force de faire la conversion. Peut-être que pour une fois, il aurait été préférable de donner directement les prix en euros.
Il n'en reste pas moins que cette série est un véritable (électro)choc immanquable par son originalité qui tranche avec la masse des shônen et shôjo insipides actuels. Après cet excellent volume d'exposition, on attend maintenant de voir se développer une intrigue construite qui nous permettra d'en savoir plus sur nos protagonistes.