Les Chroniques de l'Imaginaire

Ferric, Franck

Clark : Franck Ferric, pouvez-vous vous présenter ?

Franck Ferric : Eh bien, je me nomme donc Franck Ferric. J'ai 28 ans, toutes mes dents, je vis dans le centre de la France et il m'arrive d'écrire quelques bricoles, principalement de la couleur de ces littératures qu'on nomme « de l'Imaginaire ». Et j'ai commis un recueil, Marches Nocturnes, qui est sorti en septembre dernier chez Nuit d'Avril.

C : Marches nocturnes est un ensemble de petites histoires fort différentes : d'où vous est venue cette envie de partager ce genre de petites histoires ?

FF : Je suis tombé dans la nouvelle, comme pas mal d'auteurs actuels, en passant par l'écriture de scénarios de jeux de rôle, alors qu'avec une poignée de potes lycéens nous tentions d'occuper notre temps libre à l'internat. Ça n'était que des choses tordues et parfaitement extravagantes, dont l'objectif avoué était surtout de se fendre la poire. Et puis un jour, en traînant dans la bibliothèque, je suis tombé sur les bouquins de maîtres de la forme courte comme Maupassant, Poe, Lovecraft ou Howard, qui chacun à leur manière m'ont collé une belle série de claques. Ce sont eux qui mont vraiment donné l'envie de m'y mettre de manière plus sérieuse.

C : Vous citez là des auteurs illustres Qui citeriez vous, comme ça, spontanément, comme virtuose contemporain de la nouvelle ?

FF : Alors comme ça, brutalement parce que c'est pour moi une évidence : Silhol. Il y en aurait sans doute beaucoup d'autres à citer (chez les francos : Lélio, Berrouka. Ailleurs : Palahniuk, Bukowski)

C : Je suppose que vous ne lisez pas que des nouvelles Quoi d'autre donc ? Y compris au niveau d'autres supports (nos lecteurs s'intéressent beaucoup aux mangas en général, et à la BD franco-belge)

FF : Pas que de la nouvelle, non. Beaucoup de romans, d'essais et pas mal de livres d'Histoire. Mais très, très peu de BD (la dernière en date était V pour Vendetta de Moore et Lloyd en VF), et j'avoue, pas du tout de manga.

C : Petite question piège à propos du vieillard conteur de Marches nocturnes : vous considérez vous comme un Luneux ?

FF : Le personnage du Luneux est né de l'écoute d'une chanson éponyme de Malicorne, un fameux groupe de musique traditionnelle né dans les années 70. J'en ai fait ce vieux conteur errant et aveugle, récurent dans plusieurs de mes textes et fil rouge de Marches Nocturnes. Mais pour le moment, mes yeux y voient mieux que les siens, et il est bien plus libre que moi. Alors non, je ne pense pas être un Luneux. En réalité, je crois que je l'envie beaucoup.

C : Hé hé, vous me parlez de musique, qui est un art que j'affectionne au moins autant que la lecture Vous écoutez quoi comme musique, comme groupe ? Vous arrive-t-il de vous rendre à des concerts ?

FF : Surtout des concerts de métal (étiquetés goths ou heavy). J'écoute pas mal de trucs un peu crétins et virils comme Manowar ou Blind Guardian, les B.O. de Poledouris ou Morricone, la musique traditionnelle (que d'aucun qualifieront honteusement de folklorique) quand elle est faite avec honnêteté. Et les grands anciens : Brel (pour son humanisme), Brassens, Ferré (pour sa poésie et son anarchisme), Barbara, Ferrat (pour son communisme)... Mais au dessus de tout, je voue un culte coupable à Tom Waits que j'admire beaucoup pour sa virtuosité, sa sincérité et son univers. J'ai par contre beaucoup de mal avec les trucs trop electro. C'est sans doute un peu vieux con, mais si un morceau ne comporte pas de vraies cordes ou de vraies percussions, ou au moins un texte qui veuille dire quelque chose, j'ai l'impression de me faire avoir.

C : Ma petite question traditionnelle : vous connaissez le John Butler Trio ?

FF : Uniquement leur tube Better than, et quelques très chouettes solos de gratte qu'on trouve sur le net. Pas plus.

C : Pour revenir sur Marches nocturnes, je garde un excellent souvenir de cette nouvelle où il est question de délivrer les fées prisonnières dans les cartes de voeux de Noël Vous n'êtes pas trop nerveux sur ce point avec toutes ces fêtes qui approchent à grands pas ? D'où diable vous est venue cette excellente idée ?

FF : Pas trop nerveux mais sans illusion car hélas ! c'est de nos jours, et de plus en plus, le Père Fouettard qui gagne ! Le début de cette nouvelle est presque du vécu : une carte musicale abandonnée au fond d'une poubelle au moment des fêtes de fin d'année, dans une rue sombre et crasseuse et qui jouait ses notes comme elle pouvait malgré le froid et le camion des éboueurs qui rôdait dans le coin. Il y avait quelque chose d'ironique et de très triste là dedans, qui renvoyait à la fin de l'enfance, à son instrumentalisation par la société du tout consommation, au Grand Dieu Fric enterrant une fois de plus le Grand Dieu Pan. C'est comme ça qu'est née Fée d'hiver.

C : Dans ma chronique, je fais référence à des livres comme les livres de sang de Clive Barker, ou encore les contes de la crypte. Que pensez vous de ces comparaisons ?

FF : C'est un très grand honneur ! Étant gosse, j'avalais tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une série B (rien de péjoratif pour moi dans ce terme) ou une production de la Hammer, et j'ai grandi avec les contes de la crypte. J'ai toujours beaucoup d'affection pour Leatherface, ce sacré rigolard de Cryptkeeper, Pinhead, Jason, Myers et tous les autres. Mon premier contact avec le fantastique ou l'horreur est advenu grâce à tous ces monstres, qu'ils soient sur écrans ou sur papier.

C : En tant que fan de monstres et des Contes de la crypte, j'imagine que vous avez du dévorer du Stephen King, non ?

FF : Bien sûr ! Surtout quand j'étais plus jeune, parce qu'on le trouvait partout et pas cher chez les bouquinistes. Je l'appréciais surtout pour ses nouvelles, pour La Tour sombre, Misery et Ça qui à l'époque m'avait littéralement traumatisé et définitivement fâché avec les clowns.

C : Vous avez enfin terminé la lecture de La Tour Sombre ? Mais cest un sacré pavé, ça ! Cest même curieux que King ait pu sortir les trois derniers tomes aussi rapprochés, non ?

FF : Oh les pavés ne m'effraient pas, même si je n'ai pas encore lu le dernier tome. King ne savait pas s'il finirait un jour d'écrire son cycle de La Tour Sombre. Son accident de voiture à la fin des années 90 a dû précipiter la chose...

C : Connaissez vous un auteur que j'adore, Franck Thilliez ? (NB : La chambre des morts, tiré d'un de ses romans, est actuellement en salle)

FF : Aïe. Pas du tout !

C : C'est un auteur du Nord qui fait dans le thriller noir. Les monstres qu'il décrit peuvent être réels.
Pouvez vous nous donner quelques références de quelques claques littéraires que vous avez pu vous prendre dernièrement ?

FF : Le Givre et la Nuit de Silhol, absolument magnifique et érudit. Céline dans Voyage au bout de la nuit, et tout Bukowski, que j'aimais déjà pour ses poèmes et ses romans et dont je déguste actuellement les nouvelles.

C : Vous intéressez vous au phénomène Harry Potter ? (Je vous demande ça parce qu'après ces quelques lignes, je me lance dans le dernier quart du tome 7 !)

FF : Je m'y intéresse en le voyant du côté de l'événement de librairie et comme un jalon important dans l'histoire de la fantasy en tant que genre littéraire. Je suis curieux de voir jusqu'à quel point cette oeuvre va impacter sur la fantasy et son public. J'ai lu pas mal de choses décortiquant ce phénomène mais j'avoue n'avoir lu aucun Potter. Pas vraiment le genre de chose qui m'attire en tant que lecteur.

C : Pouvez-vous nous parler de l'actualité future de Franck Ferric ? Allez vous faire longtemps attendre les amoureux d'histoires ?

FF : Quelques textes qui devraient sortir ici et là, notamment dans une anthologie consacrée aux vampires, dirigée par Estelle Valls de Gomis, chez Glyphes (prévue pour avril 2008). Je bosse actuellement sur pas mal de choses, mais il est encore raisonnablement trop tôt pour en parler.