Lafarge, Raphael & Mondiot, Vincent & Leveder, Matthieu
Baern : Pour les lecteurs et internautes qui ne vous connaîtraient pas encore, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Vincent Mondiot : Je pense que c'est les Chimères que tu nous demandes de présenter, donc je ne vais pas te faire mon autobiographie (qui aurait sûrement été assez plate, d'ailleurs). Les Chimères de Mirinar, donc. Cest un projet conçu à trois, et tournant autour du site internet www.mirinar.com. Cette adresse abrite une histoire de fantasy originale publiée par épisodes et accompagnée de divers bonus, surtout graphiques. Tout est gratuit et indépendant, et nous essayons, en faisant vivre cette histoire et ces personnages en parallèle au réseau des éditeurs, de nous imposer de nous-mêmes dans la fantasy française.
B : Quelles sont les méthodes et relations de travail entre vous trois ? Comment vous-êtes vous rencontrés ?
Raphael Lafarge : Nos familles ne sont aucunement liées, et nous ne sommes amis que depuis quelques années. Vincent, Matthieu et moi, nous nous sommes rencontrés via Internet, au travers de certains cercles consacrés au fantastique. Nous nous sommes rapidement découvert des centres d'intérêt communs, des points de vue voisins, et parfois des obsessions semblables. Nous étions intéressés par les démons et passions personnelles de chacun d'entre nous. Et de fil en aiguille, nous en sommes venus à songer à Mirinar, et à en concevoir les bases.
VM : Pour ce qui est de nos méthodes de travail, ça se passe ainsi : on débat tous les trois ensemble des idées qu'on a, on modifie et critique les idées des uns et des autres, on complète, on refuse, on accepte, on s'enthousiasme ou non sur tel ou tel détail pour la prochaine série ou Mirinar dans sa globalité... Et quand on obtient enfin un canevas relativement complet de notre série, on se met au travail proprement dit. Raphaël et moi écrivons un chapitre sur deux à tour de rôle, et Matthieu travaille en parallèle sur des illustrations qu'il nous présente à différents stades de finition. Le truc intéressant dans notre méthode de travail à trois, c'est que nous ne pratiquons pas la démocratie. Si une idée semble géniale à deux d'entre nous mais que le troisième la trouve tiède, l'idée est abandonnée, ou au moins retravaillée. Tout ce qui est finalement publié a forcément l'aval absolu de Raphaël, Matthieu et moi.
Matthieu Leveder : Pour compléter, je dirais aussi que j'ai le plaisir, en tant qu'illustrateur, d'avoir du poids et une utilité dans la création des bases de l'univers, de l'intrigue, etc. Je pourrais très bien être tenu à l'écart de tout ça, et me concentrer que sur les dessins, mais non. Après, en ce qui concerne les structures précises des chapitres et de leur rédaction, je ne suis effectivement plus concerné.
B : Quand est-ce que le projet « Les Chimères de Mirinar » a-t-il été envisagé pour la première fois ?
RL : Au printemps 2007. Difficile de dater plus précisément.
ML : J'aime ce qui est difficile : première moitié du mois d'avril 2007 !
B : Comment vous est venue cette idée originale ?
RL : Vincent et moi en sommes venus à souhaiter écrire un roman à quatre mains, voire tout un cycle de livres, si possible dans un univers de fantasy. Son absence complète de passion et d'intérêt pour le genre était le reflet inverse de ma propre ardeur à consommer de la fantasy ; nous pensions que le mélange de nos approches créerait quelque chose d'un peu particulier, de peut-être plus bitumeux et âpre que la fantasy usuelle, sans pour autant plonger dans l'obscurité totale (un lecteur a cité George R.R. Martin, mais nous sommes moins "cruels" que lui avec nos personnages). Nous souhaitions aussi travailler avec Matthieu, dont les dessins nous ravissaient. Ensuite, l'univers et l'intrigue sont nés naturellement de nos centres d'intérêt, de ce que nous appréciions dans certains récits, de ce que nous aurions aimé trouver dans d'autres.
ML : J'aimerais ajouter qu'avant d'avoir mis sur pied l'univers, ce sont les intrigues qui sont et seront abordées dans près de 4 séries auxquelles nous avons d'abord pensé. Le monde a été pensé pour que ces intrigues puissent s'y dérouler.
B : Qu'est-ce qui a poussé ou comment avez-vous réussi à convaincre Vincent de prendre la plume et de façonner un récit de fantasy ? Ses chapitres sont, au final, différents des habitudes du genre et pourraient, moyennant quelques très légères modifications, tout à fait convenir à un western, à un récit policier, à une aventure, etc., sans magie, ni monstre.
VM : Je prends la deuxième partie de ta question comme un compliment, donc merci, déjà ! En fait, pour te répondre, je dois d'abord dire que j'écrivais déjà avant Mirinar. Il n'a donc jamais fallu me convaincre de prendre la plume, mais plutôt de l'utiliser pour de la fantasy, qui est un genre qui, en effet, ne m'interpellait pas, et ne m'interpelle toujours pas. Mais je crois qu'avec Mirinar, je suis parvenu à tordre la fantasy pour quelle rentre dans mon monde, et pas le contraire. Cela étant dit, et ce sera aux lecteurs de fantasy de confirmer ou non, je crois que Mirinar reste pourtant de la vraie fantasy, sans « tromperie » pour les fans du genre. Bon, tout ça pour ne finalement pas répondre à la question : Comment ai-je été convaincu par Mirinar ? Par les idées, en fait, je crois. Au-delà de toutes ces histoires de « genres », la littérature, c'est comme la musique : la seule chose qui importe, c'est que ce soit bon. Que ce soit du jazz, du rock ou du hip-hop, tant que c'est bon, que ça me fait ressentir quelque chose, bah je suis prêt à dire que c'est mon style. Pour Mirinar, l'histoire et les personnages me plaisaient tellement que mes barrières vis-à-vis du genre n'étaient plus d'aucune importance. Je vais peut-être dire une connerie, ma mémoire n'est pas infaillible, mais je crois bien que c'est le personnage d'Elsy qui a été mon coup de coeur initial.
B : La plupart des récits de fantasy subissent, volontairement ou non, l'influence des auteurs fondateurs du genre ou d'auteurs contemporains (fantasy ou autres) ayant beaucoup de succès. Pouvez-vous m'en dire plus et énoncer la personne ou l'ouvrage qui a été votre influence majeure pour les Chimères ?
RL : Les films d'action, d'horreur, les westerns. Les séries télévisées, l'animation, la bande dessinée, le jeu vidéo comptent beaucoup. En matière littéraire, Tolkien, pour une approche d'un univers imaginaire que nous espérons logique et précise, Michael Moorcock pour un caractère un brin apocalyptique, instable et baroque, Lovecraft et ses horreurs indicibles. Cette liste n'est pas exhaustive, et les influences de chacun d'entre nous ne se recoupent pas forcément.Mais pour l'influence majeure d'entre les influences, je parlerai de Frank Herbert. Je crois que c'est son cycle de Dune qui est l'inspiration la plus décelable chez moi, pour Mirinar. Sur Arrakis, Latima se sentirait comme chez elle.
VM : Ouais, comme vient de le dire Raphaël, les westerns sont forcément en tête de la liste de nos influences. Lambiance de fin du monde désertique et suffocante qui en émane ressemble assez à Mirinar, je trouve. Ou vice-versa. Sinon, une oeuvre depuis laquelle, perso, je vois beaucoup de liens se tendre vers Mirinar, cest le défunt comics Battle Chasers, de Joe Madureira.
B : Est-ce que la solution actuelle (publication sur le web) a été la première envisagée. Pensez-vous peut-être à une édition papier ?
RL : Oui, nous avons d'abord songé à Internet. Après des années de projets divers, nous voulions que Mirinar soit accessible en priorité sur la Toile, n'importe quand, à n'importe qui. Quant à l'édition papier, la publication en ligne de la série 1 étant achevée, nous démarchons maintenant divers éditeurs.
B : Pensez-vous produire (ou faire produire) des goodies, du merchandising, ? Songez-vous à une version animée ? J'ai été étonné de ne trouver qu'une vidéo de présentation sur YouTube et pas encore de vidéo réalisée sur WOW ou avec des prises d'images de GN (jeux de rôles Grandeur Nature).
VM : Mon point de vue sur les produits dérivés et les vidéos, c'est que c'est génial, excitant, tout ça tout ça, mais que ça prend énormément de temps et d'argent. Pour l'argent, ce n'est un obstacle que parce que je suis un étudiant un peu fauché, mais pour le temps, c'est vrai que de mon point de vue, je préfère qu'on se concentre d'abord sur Mirinar-même avant de penser aux produits dérivés. Mais en même temps, l'impact publicitaire que ça pourrait avoir est très loin d'être négligeable Pour être franc, ta question est l'une de celles qu'on se pose très souvent les uns aux autres !
ML : J'ai même envie de dire que ce genre de boulot est généralement de mon ressort, ou du moins je le ressens comme tel. Après tout, le projet étant surtout littéraire, tout l'aspect graphique dont je m'occupe est déjà du « bonus », des goodies visuels. En plus de participer à la création de l'univers et des intrigues, notamment au niveau des différents designs, je fais un site, des illustrations, des cartes, etc Je pourrais très bien étendre mon activité à des vidéos, des affiches, des figurines, et que sais-je encore. Reste le problème du temps. J'espère que tout ça viendra un jour.
B : Teliam Vore est la série première, j'ai lu dans un précédent email qu'une série 2 était prévue, pouvez-vous déjà me fournir quelques informations à son sujet ? Date de sortie, un petit synopsis ?
RL : Une série 2 est effectivement en route. Il est trop tôt pour prévoir une date de sortie (d'autant que nous songeons à une restructuration du site à cette occasion), mais ce roman-ci sera beaucoup moins linéaire que la première histoire. Il n'y aura pas d'introduction des personnages avec un premier arc narratif dans une autre province, les choses se concentreront majoritairement sur Mirinèce, et sur une découverte plus profonde des mondes-miroirs par Élodianne. Ce pitch peut apparaître nébuleux, j'ajouterai donc que nous creuserons de nombreuses pistes déjà existantes et que nous nous tournerons vers une structure plus épisodique. La série 2 contiendra des fils rouges, sans intrigue centrale. (Nous reviendrons à une structure moins morcelée avec la série 3.)
VM : Je profite de l'occasion pour répondre à certaines personnes qui mont posé la question : les personnages et les intrigues des séries à venir seront bien dans la continuité de la série 1. Elsy et Élodianne seront encore les personnages principaux, et les évènements de la série 1 auront tous des conséquences. On ne va pas subitement se retrouver avec de nouvelles têtes d'affiche sur un autre continent ou je ne sais quoi. Ha, et si vous voulez un scoop : entre la série 1 et la série 2, Elsy va s'être laissée pousser les cheveux.
B : Voici un lot de questions plus spécifiques pour l'illustrateur Matthieu : quelle(s) technique(s) utilisez-vous pour réaliser les illustrations du projet ? Combien de temps passez-vous en moyenne sur une image, par exemple « Miss Mercenaire » ? Y a-t-il une collaboration a priori avec vos deux collègues pour les images ? Ou une fois l'illustration terminée ?
ML : Oh, je ne fais pas grand-chose, je vais à Mirinar, je prends quelques photos, et je les publie ensuite sur le site ! Bon, j'aimerais vraiment que ce soit aussi simple, mais je ne plaisante qu'à moitié. L'univers de Mirinar et la façon qu'ont Raphaël et Vincent de le raconter m'inspirent énormément, les images viennent d'elles mêmes. Techniquement, j'utilise de bons vieux crayons gris pour tout ce qui est schémas et croquis (visibles pour la plupart sur le site), que mes deux compères valideront si mes designs leur plaisent. Pour les illustrations, j'utilise essentiellement le logiciel Photoshop d'Adobe, avec une tablette graphique. Je suis assez lent, pour la simple raison que je ne colorise de cette façon que depuis peu de temps. J'ai quasiment commencé la tablette au début de Mirinar. Je n'ai pas réellement de moyenne à dévoiler, mais Miss Mercenaire a bien dû me prendre 5 à 6 heures, des premiers croquis à la finalisation. Mais j'augmenterai mon rendement, promis !Au niveau graphique, je peux séparer mon rôle en deux. D'un côté j'illustre Mirinar, je mets des images sur les mots. De l'autre, je fais des recherches de design pour aider Raphaël et Vincent à décrire les lieux et personnages. En ce qui concerne les illustrations, je fais relativement ça dans mon coin et je présente le travail fini pour qu'il soit validé. Concernant les recherches graphiques, chacun de mes croquis est soumis à nos trois avis, puis retouché jusqu'à ce que nous soyons tous enchantés.
B : A côté de ce projet, est-ce que vos métiers/emplois respectifs sont liés au monde de l'écriture ou de l'illustration et à la réalisation de ce projet ?
RL : Matthieu travaille dans le jeu vidéo et après des études idoines, je cherche un emploi dans le cinéma. Notre souhait secret, lointain et chimérique serait que notre avenir professionnel soit lié à Mirinar.
VM : Moi je suis actuellement pion Enfin, « assistant d'éducation » dans un collège de Puteaux, dans le 92, et je poursuis des études de Français Langue Étrangère, afin de devenir professeur de français aux Etats-Unis, d'ici, j'espère, deux ans.
ML : Je précise que dans le jeu vidéo, je ne suis aucunement graphiste, hélas ! Je suis au contraire développeur, donc plutôt lié à la technique qu'au côté artistique.
B : Pour finir cette interview, une question dont la réponse m'intéresse beaucoup en tant qu'étudiant en branche financière. Avez-vous une idée du coût du projet ?
VM : Quelques tickets de métro pour rejoindre Raphaël ou Matthieu, un sandwich ou une bouteille à acheter quand on passe la journée sur Mirinar... En plus de l'hébergement du site et de quelques frais promotionnels (impressions de marque-pages, par exemple), c'est là le seul coût financier du projet.
ML : Le coût le plus important reste en terme de temps. Que ce soit la création de l'univers, des intrigues, la rédaction des chapitres, les recherches graphiques, la programmation du site, les illustrations, etc tout prend beaucoup de temps, et c'est là la ressource dont nous sommes le plus dépendant.
B : Merci pour vos réponses et le temps consacrés au questionnaire !
VM : Merci à toi ! Ça fait vraiment super plaisir de voir qu'on est soutenus par un site comme le vôtre.
RL : Je ne saurais que répéter la phrase précédente.