Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 171)

Ce numéro de la revue québécoise est axé "célébrations", à commencer par la World-Con', qui a lieu pour la première fois en terre francophone, à Montréal, avec comme invités d'honneur Neil Gaiman et Elisabeth Vonarburg. Il n'était que juste de proposer à ces auteurs une place parmi les novelistes, pour le plus grand plaisir des lecteurs, d'autant que les autres nouvelles, proposées par des auteurs moins connus, sont également d'excellente facture.

Lettre d'amour, de Neil Gaiman : un homme a trouvé un moyen original de faire la manche, il se transforme en statue, faisant juste de micro-mouvements, pour rappeler qu'il est vivant, et entretenir le malaise. Mais un jour, il tombe amoureux... La forme de la lettre n'est pas si facile à manier, mais elle est là parfaitement réussie, et la fin est glaçante !

Orange, de Neil Gaiman : Jémina est une ado normale, qui vivait avec sa soeur Nérys, aussi agaçante que toute fille de quinze ans, leur jeune frère, et leur mère. Mais un jour quelque chose arrive à sa soeur... Cette nouvelle rédigée sous la forme d'extraits d'interview est un petit bijou stylistique, plein de l'humour que les lecteurs de Gaiman lui connaissent.

Ors blancs, d'Alain Bergeron : Méprisé à la fois par les Varangues et par Titus Castor, préfet de la cité, l'ingénieur Amras Pandophire ronge son frein, tout en collectionnant de curieux tableaux, fidèles à la réalité, à un détail près... Cette belle nouvelle uchronique, parfaitement réalisée, fait espérer que son auteur donnera un jour un roman dans cet univers si attirant.

Recette maison, d'Eric Gauthier : Mathilde n'hésite pas plus qu'Anémone à inventer des noms de végétaux, mais elle n'est pas moins surprise qu'elle de voir croître... quelque chose. Que faire des fruits ? C'est elle qui propose des confitures, qu'Anémone distribuera généreusement à leurs voisins. C'est là une nouvelle remarquable, l'une des meilleures de la revue, qui évoque certains romans de Ballard, et confirme le talent de Gauthier pour créer des univers à peine décalés, à la fois crédibles et étranges.

Désaxés, de Jean-Louis Trudel : Les colons sont peu nombreux sur Encelade, assez peu pour se connaître si parfaitement qu'ils en ont fait un jeu. Une nouvelle intéressante, bien maîtrisée, avec son interrogation en filigrane sur l'intimité... Le paradis (ou, pour le moins, la norme) des uns est l'enfer des autres.

La mort aux dés, d'Elisabeth Vonarburg : Alkaraï est vigoureux, et trop orgueilleux pour son propre bien. Il ne le sait pas encore le jour où il défie aux dés Iptit, le petit dieu des petites choses, mais il aura l'éternité pour l'apprendre, et s'en repentir. Les lecteurs de l'auteur seront ravis de ce retour à l'univers de Tyranaël, qui narre de surcroît l'origine des Krilliadni, et de la coutume des Grandes Chasses. Pour ceux qui seraient étrangers à cet univers, et qui auront peut-êre un peu de mal avec les notions supposées connues (la Mer, les dons, la géographie de la planète...), ils ne manqueront pas d'apprécier cette originale histoire de Juif Errant, qui leur donnera sûrement le goût d'en savoir davantage sur la pentalogie de Tyranaël.

Mario Tessier, dans ses toujours passionnants Carnets du Futurible, célèbre le quarantième anniversaire de la marche de l'homme sur la Lune en présentant les "Moonwalkers", les douze hommes qui y ont posé le pied, les méthodes de sélection qui les y ont envoyés, une sélection des ouvrages de SF qui ont mis en scène des astronautes, et fait le point sur l'actuelle course à l'espace.

Les articles critiques de fin de volume contiennent comme d'habitude des critiques fouillées et stimulantes, qui donnent des pistes de découverte, ou de re-découverte.

Et pour ceux à qui ces 160 pages n'auraient pas suffi, il y en a encore à l'adresse www.revue-solaris.com !