Les Chroniques de l'Imaginaire

Schmélele et l'Eugénie des Larmes - Ponti, Claude

« Quand on ouvre une porte, on voit ce qu'il y a derrière, pas ce qu'il y a dedans ». Le ton est donné. Schmélele (« prononcer : Schmé leu leu ») voit ses parents disparaître à force de travailler, dépuisement en quelque sorte. Bâbe, la porte, ne supporte pas cette situation et déserte les lieux. Schmélele la suit. La ville a bien changé, elle est pleine de dangers. Après avoir échappé de peu au vide qui s'ouvre soudainement sous ses pas, il se laisse submerger par son chagrin. De sa larme, énorme, sortent des soeurs jumelles : l'Eugénie des Larmes et l'Eugénie du Rire. S'ensuit un parcours initiatique au travers de l'univers farfelu de Claude Ponti (on y croise bien sûr le Poussin Masqué) afin d'accomplir sa mission qui lui permettra d'accéder à son destin. « Prendre le bateau, sécher, franchir le tunnel des animaux tristes, saisir la larme du fond du coeur, s'envoler et enfin planter ce qui doit être planté et arroser ce qui doit être arrosé »

La disparition, le processus de deuil, l'acceptation des émotions, autant de sujets que Pierre Ponti prend à bras le corps comme à son habitude. Sa narration oscille entre absurde et poésie. Ses illustrations nous font entrer dans un monde où la bizarrerie est de mise, où les tasses de café se promènent, où les carpes dérivent lentement dans le ciel.

Résolument, jaime ! Parce que ce brillant auteur-illustrateur parle directement à mes émotions, parce qu'il nous démontre que poésie et imaginaire ne servent pas uniquement à fuir, à supporter, à embellir la vie ou ses épreuves mais aussi à la traverser à l'image de Schmélele qui franchit Bâbe après chaque épreuve, à accéder à un Autrement, à un état plus avancé dans l'accomplissement de ce que l'on est. Bref, accomplir son deuil, se concentrer sur le passage, ce qu'il y a « dedans ». Ce qu'il y a « derrière » viendra quand il en sera temps...