Les soldats français devant rejoindre le gros des troupes de Napoléon en Russie étaient dix au départ de Moscou. Ils ne sont désormais plus que six, avec à leur tête Jean-Baptiste Grassien, médecin de l'armée napoléonienne, et en deuil suite à la mort de Philippe, son ami de toujours... Philippe est mort suite à la traîtrise d'un français, Clément Morlaix de Guérigny. Désormais, une seule idée anime encore Grassien : se venger froidement de ce traître... Alors, le petit groupe est en pleine Russie et se dirige vers l'Ouest, en plein hiver, dans des températures effroyables.
Bientôt, les six (dont une russe, la comtesse Maryana Gorlanov) parviennent à une ferme isolée où ils ne trouvent qu'une vieillarde sénile. Cette dernière leur prête le couvert, mais leur montre également toute sa famille décimée par les soldats de Napoléon lors de leur récent passage. Grassien ne tient pas à rester dans un lieu aussi macabre, de peur de tomber dans un piège. Et il fait bien, car la vieille leur a envoyé son dernier fils, un homme rude et solide, qui les mènera droit sur un groupe de cosaques.
Rapidement, les six ne sont plus que trois... Trois qui seront faits prisonniers, et esclaves dans une ferme environnante. Les trois connaîtront l'enfer... Grassien ne devra son salut qu'à son désir de vengeance, et au doux sourire d'Ania, petite fille de la ferme qui ne peut pas croire que des hommes, même français, sont des animaux...
Autant le dire tout net : ce second tome de Ils étaient dix est de toute beauté... D'abord, on y trouve des planches d'Eric Stalner qui sont parfaitement réussies, qu'il s'agisse des paysages sauvages enneigés de la Russie, ou des personnages. Ces derniers sont nombreux mais tous aisément reconnaissables : pas de confusion de ce côté là donc, avec une lecture aisée, sur un rythme parfaitement maîtrisé.
Le tome se déroule en deux temps : d'abord la fuite des survivants, avec une première scène flash-back qui est à couper le souffle, puis le calvaire des trois derniers survivants, qui passeront des années à travailler dans cette ferme. Leur seul salut résidera dans les nombreuses tentatives d'évasion, malheureusement bien souvent ratées... Sur cette seconde partie, l'auteur parvient véritablement à nous insuffler l'extrême souffrance de ses personnages. Cela respire la sueur et la rage à chaque planche, ce qui a le don de tenir le lecteur en haleine jusqu'à la très belle conclusion du tome.
Stalner n'en est pas à son coup d'essai, surtout avec des scènes de guerre (La croix de Cazenac), mais cette série permet d'admirer un nouveau seuil atteint au niveau de la mâturité. Cela n'est pas terminé, puisque la vengeance n'a pas encore eu lieu : vivement le troisième tome, surtout s'il atteint un tel niveau de qualité...