Le 28 février 1837, Edgar Allan Poe signe son contrat avec Southern Literary Messenger pour qu'il publie son histoire d'Arthur Gordon Pym. Ce qu'il ne savait pas alors c'est qu'il venait de déclencher la colère des choses cachées, parce qu'il révélait dans son récit des évènements du monde obscur qu'il aurait mieux fallu taire. C'est ainsi qu'il se sentit poursuivie et qu'il du s'enfuir.
Douze années plus tard, lorsqu'il débarque à Baltimore, Poe n'est plus que l'ombre d'un homme. L'alcool et l'impression d'être toujours traqué ont eu raison de sa santé. Il sait qu'il est une nouvelle fois traqué par les brûlants. Mais que peut-il faire ? Il va essayer de trouver un court refuge dans une taverne. A l'intérieur il n'y a que deux personnes : le tavernier et une superbe femme bonde au décolleté bien trop prononcé.
Même si tout indique que la jeune femme ne pourra pas être intéressée par autre chose que le portefeuille d'Edgar en échange de promesses charnels, l'homme la laisse lui tenir compagnie. Il sait qu'il n'est pas le meilleur parti, mais quelques instants de semblant de répit ne lui feront pas de mal. Seulement, que sait-il de cette femme ? Ne serait-elle pas là elle aussi pour lui nuire ?
Ce premier tome de Huitième continent prend le partie de retracer les derniers moments de la vie d'Edgar Allan Poe en supposant que ses écrits lui avaient valu des inimitiés surnaturelles. En soi, le principe est bon. Et la mise en place des premières pages avait bien fonctionné sur moi. Et puis, c'est parti un peu en sucette avec la rencontre de Bel. A partir de ce moment-là, je ne savais plus très bien ce que je devais penser de la lecture. L'homme est traqué, mais ne semble pas bien pressé de fuir. Est-il si las qu'il veuille mourir ? Il ne semble pas puisqu'il espère à chaque fois échapper à la mort. Mais sans véritable conviction cependant. Et puis, il y a des pages un peu trop téléphonées qui sont là uniquement pour décrire des choses que les lecteurs de Poe doivent certainement déjà connaître. Du coup, cela donne l'impression que c'est soit trop, parce qu'elles sont très chargées en texte, soit trop peu, parce qu'on ne peut pas résumer un uvre en quelques phylactères. D'une idée qui sonnait juste, on se retrouve avec un résultat qui, sur le plan scénaristique, est un peu décevant.
Au niveau du dessin, par contre, c'est une bonne surprise. Une réalisation soignée, précise et détaillée. Stéphane Collignon a par contre poussé le côté sombre à l'extrême. Il y a peu de place pour des éléments lumineux dans son récit, à part ces êtres blancs qui sont loin d'apporter le bonheur, comme on s'en rend compte. Du coup, les encrages sont très importants et sont heureusement très bien réussis. La colorisation de Boubette ajoute parfaitement à l'ambiance qui se dégage de cette histoire.
C'est donc un tome moyen que l'on a sous les yeux. Intégrer des auteurs réels dans un récit fantastique, pourquoi pas. Se servir de leurs uvres comme point d'entrée d'un monde fantastique, c'est une bonne idée. Par contre, il faut trouver un nouveau dosage pour utiliser les éléments du récit original devoir faire une séance de rattrapage un peu lourde pour ceux qui n'auraient pas lus l'uvre en question. Espérons que les prochains tomes sauront s'alléger de ce côté.