Les Chroniques de l'Imaginaire

L'empire d'ivoire (Téméraire - 4) - Novik, Naomi

Laurence n'arrive pas à s'expliquer l'absence de soutien aérien lors de l'étape finale de leur retour en Angleterre, chargés qu'ils sont de tous les militaires prussiens qu'ils ont pu sauver de Dantzig. De plus, à peine parvenus péniblement à destination, on leur ordonne, à lui et Téméraire, de se présenter immédiatement au château d'Edimbourg. Sa fureur tombe vite devant l'effrayant secret qui lui est alors révélé : les dragons sont malades. Gravement, et l'infection se propage à telle allure qu'il en reste peu de sains dans tout le pays. Bien sûr, il faut à tout prix tenir Téméraire, et la vingtaine de sauvages qu'il ramène, loin des terrains de quarantaine.
Toutefois, quand il se trouve accidentellement exposé à la contagion, il s'avère qu'il n'est pas contaminé. Keynes et Laurence se souviennent alors de ce "rhume" dont il avait souffert lors de leur voyage vers la Chine, et qui avait été finalement guéri par les médecins chinois... avec les ressources de la pharmacopée africaine (tout ceci étant raconté dans le deuxième tome, Le trône de jade). Et voilà Téméraire et tous les dragons de sa formation, malades, partis sur l'Allegiance, à la recherche désespérée du remède.

Après un troisième tome particulièrement guerrier, ce nouvel opus, tout en répondant à une question restée pendante dans le précédent (l'absence aux côtes des Prussiens de la formation draconique anglaise promise), se déroule dans une atmosphère totalement différente. Politique, qu'il s'agisse des revendications des dragons ou de celles des anti-esclavagistes ; morale, soit sur le thème de l'esclavage et de la vengeance, soit sur celui des armes autorisées ou non dans une guerre.
Cela en fait un roman particulièrement attrayant, d'autant qu'on y retrouve des personnages déjà connus et appréciés dans les romans précédents, et que les nouveaux qui y sont introduits (Kefentse, le couple Erasmus, Demane...) sont décrits avec toujours la même acuité et la même diversité. Bien sûr, on retrouve aussi les touches d'humour qui donnent un autre charme encore à cette lecture, notamment là où Iskierka est concernée.

Dans cet opus, l'histoire diverge nettement de celle du monde que nous connaissons, et l'influence de Patrick O'Brian est quasiment imperceptible, s'il est difficile de ne pas penser à La dame aux dragons, d'Anne McCaffrey, malgré toutes les différences évidentes.
En fait, le seul bémol ne semble pas imputable à l'auteure, mais propre à la version française : certaines phrases sont pratiquement incompréhensibles ("Jane se mit à écrire avant même que Keynes ait achevé son rapport, rayonne d'énergie et de détermination", p. 118, n'est pas le seul exemple, mais fait partie des plus flagrants).
Malgré ce défaut, qui semble d'ailleurs s'atténuer au fur et à mesure de la progression de l'histoire, ce roman m'a tant plu qu'il vaut bien un coup de coeur !

Je terminerai avec deux remarques aux éventuels futurs lecteurs : il faut absolument le lire avec le suivant à portée de main, car le suspens final est cruel ; et en fait il s'agit véritablement d'une histoire qui se prolonge sur plusieurs tomes, donc il est vraiment très préférable d'avoir lu les précédents pour apprécier véritablement celui-ci.