Ce soir, Gaia est très fière d'elle : elle vient de réaliser son premier accouchement, toute seule, sans l'aide de sa mère, partie assister une autre future maman. A tout juste seize ans, elle est devenue la seconde sage-femme du secteur Ouest Trois. Maintenant, en dépit des pleurs et supplications de la jeune accouchée, elle doit apporter le bébé à l'Enclave, comme le prévoit la loi : les trois premiers nouveau-nés mis au monde par chaque sage-femme sont avancés. C'est ainsi et elle ne peut y déroger, sous peine de risquer sa vie. Bien sûr, la mère sera indemnisée et l'enfant promis à une belle vie dans le cocon protégé de l'Enclave, loin de la misère de l'extérieur.
Son devoir accompli, elle s'apprête à rentrer chez elle quand elle est interpellée par la vieille Meg, l'assistante de sa mère. Celle-ci lui apprend que ses parents viennent d'être arrêtés puis emprisonnés dans l'Enclave et qu'un soldat l'attend pour l'interroger. Meg la supplie de s'enfuir mais devant le refus de Gaia, se contente de lui donner un petit sac brun, cadeau de sa mère, en lui recommandant de le dissimuler au mieux. Pourquoi ses parents ont-ils été arrêtés ? Qu'ont-ils pu faire ? Que va-t-il leur arriver ? Que contient le sac ? Si Gaia veut des réponses, elle va devoir briser les lois et pénétrer dans l'Enclave, au péril de sa vie. Elle ne s'attend pas à ce qu'elle va y découvrir.
Il y avait longtemps que je n'avais pas dévoré un roman aussi vite. Une fois plongé dans le monde de Gaïa, vous ne pourrez en sortir qu'une fois la dernière page tournée. Déjà, le livre-objet, scellé par un ruban rouge, m'avait mis l'eau à la bouche. Pour une fois, j'ai patiemment attendu d'avoir le temps de le lire pour le déballer, résistant à l'envie du feuilletage furtif. J'ai découvert un style fluide, agréable, une histoire bien construite, des personnages attachants, un suspense habilement entretenu.
Bien sûr, on pourrait s'arrêter à l'idée de base somme toute très classique : un monde futur dévasté où quelques privilégiés vivent une vie de rêve dans une cité fermée, tout en dirigeant la vie de ceux restés à l'extérieur. En suivant Gaia, nous découvrons à son rythme un monde qu'elle pensait connaitre et qui pourtant se révèle bien étranger. Mais Caragh M.OBrien va plus loin en nous offrant un récit tout en nuances, où personne n'est ni tout noir ni tout blanc, où chacun doit faire face à des choix, pas toujours faciles, pour soi, pour sa famille, pour son peuple. Maintes fois, on s'interroge : "qu'aurions-nous fait à leur place ?". On découvre également que les apparences sont trompeuses et que l'idéal n'est peut-être pas aussi idéal qu'on nous l'avait présenté. Finalement, l'auteur nous livre une belle réflexion sur le choix, choix face au despotisme et face à l'eugénisme.
Je conclurais en vous incitant vivement à découvrir le premier tome de Birth marked. Pour ma part, j'aimerais que l'automne soit déjà là afin de me plonger dans le second opus.