Le village Les Bombinettes est une petite bourgade paisible comptant moins de deux cent cinquante habitants. Nous sommes au mois de mai, un dimanche, et il fait beau. Raymond Orloff, monsieur le maire, essaye de s'atteler à une tâche ménagère qu'il ne maîtrise pas (en maîtrise-t-il une ?) : le repassage. Avant, c'était son épouse qui faisait tout ça, mais un divorce l'oblige à se débrouiller seul. Muni de son fer et d'un mode d'emploi, Raymond essaye de repasser son écharpe municipale quand monsieur Nobel, le patron de Le bon coin, le bar du village, l'interpelle depuis la rue. On lui a volé le " i " de son enseigne et il n'est pas content. Surtout que maintenant, l'enseigne fait un peu tarte. Et voilà donc Raymond qui va aider Nobel pour que son bar puisse accueillir les gens sans aucune gêne.
Raymond ne savait pas encore que la vie aux Bombinettes allait bientôt changer. Peut-être pas radicalement, comme cela aurait été le cas s'il n'avait plus été maire, mais un peu quand même. Parce que voilà qu'une nouvelle échoppe s'installe à la foire du village. Une jolie demoiselle qu'il ne connaît pas vient d'arriver avec une camionnette rose. Monsieur le maire va aller vérifier si tout est en règle. Il s'agit en fait de la fille du gérant de l'ancienne " La maison du caoutchouc ", monsieur Deschamp, qui a repeint la camionnette et diversifié la marchandise proposée. Elle a maintenant un " sekchop ", comme dit Raymond. Il ne veut pas que la population soit bouleversée par cette nouvelle venue mais ne trouve rien à redire vraiment. Surtout qu'il est un peu sous le charme d'Amandine et qu'il va repartir avec un joli canard.
Non, vraiment, Raymond ne s'attendait pas à ce qui allait arriver dans sa vie.
Avec un titre comme le sien et une couverture rose, j'ai peur que Magasin sexuel ne fasse fuir certains lecteurs, histoire d'avoir bonne conscience. Pourtant, Magasin sexuel n'est pas du tout une bande dessinée érotique ou pornographique. C'est une très fine chronique sociale sur un petit village dont la vie va être un peu chamboulée par l'arrivée d'un sex shop ambulant tenu par une demoiselle fort agréable à regarder. Et tout tourne autour de cette nouvelle arrivée qui va amener un peu de piment dans la vie morne des Bombinettes. Turf ne va bien sûr pas s'arrêter sur ce simple fait. Il fait vivre les autres habitants du village, comme monsieur Nobel, qui clôt d'ailleurs le tome d'une manière très marrante. Raymond Orloff est un maire qui veut bien faire, mais qui aimerait bien rester maire aussi. Du coup, il sait qu'il va devoir faire quelque chose pour le sex shop. Mais quoi ?
Le tout est savamment orchestré par un dessin pas trop surchargé. Entre la bande dessinée réaliste et la bande dessinée d'humour (le personnage de Raymond a un quelque chose quand même de la bonne vieille bande dessinée franco belge à la Astérix, non ? Et les deux gendarmes, ils sont pas beaux les deux gendarmes ?) Turf nous fait vivre au rythme du Bombinou, la boisson locale. Les couleurs jouent aussi un bon rôle dans l'attrait. Elles ne sont pas agressives, jouant plutôt sur des teintes pastelles. Par contre, la camionnette est bien rose comme il faut !
Le pitch m'attirait parce que je le trouvais marrant. Mais ce qu'en a fait Turf est très largement au dessus de ce à quoi je m'attendais. Une très belle réussite qui ne demande qu'à être confirmée.