Jean Atwood, interne en cinquième année, ne rêve que de bloc opératoire. Meilleure de sa promotion, elle pensait pouvoir obtenir un poste de chef de clinique dans un des meilleurs services obstétriques. A elle le bistouri, les écarteurs, le stress du bloc et les opérations de chirurgie réparatrice. Seulement voilà, faute de place, le doyen lui impose un stage de six mois à l'Unité 77, un centre de médecine de la femme, à faire des consultations, le tout sous la direction du docteur Franz Karma, connu pour son approche "originale" de la médecine. Surnommé Barbe-Bleue, on lui prête de nombreuses aventures même avec ses patientes, des idées insensées sur la pratique de la gynécologie, un coté donneur de leçon, une propension à prendre des risques, bref tout ce que Jean déteste. Et puis, ce n'est qu'un généraliste, pas un chirurgien. C'est donc en colère qu'elle aborde sa première journée à l'Unité 77, son purgatoire selon elle. Pourtant, elle va vite être surprise, notamment par l'offre de Karma qui a bien évidemment ressenti son animosité : accepter de passer une semaine à son service, en faisant tout ce qu'il lui demande, sans poser de questions ou parlementer. Au terme de ce délai, si elle ne souhaite pas poursuivre, il validera son stage et la libérera pour les six mois restants. Jean accepte, bien décidée à ce qu'au terme de cette semaine, le docteur Karma n'ait qu'une hâte, la voir partir. Seulement, on ne rejoint pas l'Unité 77 impunément.
J'avoue, je ne connaissais absolument pas l'auteur de ce roman, Martin Winckler
et pourtant après la lecture de ce roman, je me dis "Et comment cela est-il possible ? Cet homme devrait être d'utilité publique". Médecin et écrivain à succès, notamment de La maladie de Sachs, il est aussi le créateur d'un site web : http://martinwinckler.com que toute femme devrait avoir dans ses favoris, fourmillant d'informations utiles sur le domaine gynécologique.
Le chur des femmes, c'est d'abord l'histoire de la rencontre entre une jeune interne formatée et un vieux briscard aux méthodes peu orthodoxes au sein d'un centre de planning familial. Celle-ci va bouleverser la vie de l'héroïne, en l'aidant à une prise de conscience, sur sa vie, ce qu'elle est et ce qu'elle veut en faire. Mais c'est aussi toute une série de portraits de femmes, de situations gynécologiques délicates. Si ce roman possède une construction linéaire dans le temps, il mêle différents styles entre le récit classique, l'introspection, les témoignages, des extraits de rapports, des chansons. Cela peut paraitre complexe mais la plume de Martin Winckler rend le tout simple et agréable.
Mais surtout, ce roman nous propose une vive critique de la pratique française de la gynécologie qui traite la femme comme un corps à soigner, pour ne pas dire un morceau de viande et non comme une personne à respecter dans son intégrité et dans ses choix.
Bien sûr, c'est une fiction, les personnages, les lieux et les évènements sont inventés, et pourtant je n'ai pu m'empêcher d'y ressentir des accents de vécu. En tant que femme, certaines situations trouvent un écho dans ce que j'ai pu expérimenter au cours de ma vie. Sincèrement, si c'était de mon ressort, j'imposerais la lecture de ce roman à tout médecin souhaitant se spécialiser dans le domaine de la gynécologie-obstétrique, tout en rêvant qu'elle donne naissance à des clones de Franz Karma, un médecin humain, respectueux et à l'écoute de ses patientes. Et je le conseille à toute femme, même si par la suite, elle risque de regretter de ne pas connaitre un docteur Karma dans son entourage médical. Seul bémol, je ne sais pas si ce roman parlera autant à un homme et pourtant, comme ce serait instructif.