L'atmosphère est tendue dans la salle d'audience de Gregor de Barrayar : Miles Vorkosigan, un jeune seigneur héritier d'une famille des plus illustres, comparait pour s'expliquer sur ses actes ; s'il échoue à convaincre l'Empereur, il encourt la peine de mort. Alors, Miles fait défiler ses souvenirs et raconte comment il s'est retrouvé "par hasard" au coeur d'une expédition militaire...
L'empire galactique barrayaran est constitué d'une société aristocratique qui glorifie son armée. Miles espérait donc de tout coeur pouvoir servir en tant qu'officier. Malheureusement, son corps difforme ne lui a pas permis de triompher des épreuves de sélection de l'armée. Pour tromper son chagrin, et éventuellement séduire son amie d'enfance la superbe Elena, Miles a emmené celle-ci en voyage touristique sur Béta, une planète raffinée à la pointe de la technologie et aux moeurs légères, bien différente de l'austère Barrayar. Seulement voilà, Miles est le roi des embrouilles, et de fil en aiguille et sans vraiment le vouloir il s'est retrouvé commandant d'une flotte mercenaire imaginaire, à essayer de forcer un blocus militaire à bord d'un vieux vaisseau spatial acheté à crédit...
Grande amatrice des romans de Lois McMaster Bujold, je ne pouvais pas faire l'impasse sur la BD adaptant sa célèbre Saga Vorkosigan, série majeure de science-fiction qui lui a valu plusieurs prix prestigieux, dont rien moins que trois Hugo. Pour ce tome d'introduction, les auteurs ont judicieusement choisi de ne pas présenter les plus anciens épisodes dans l'ordre chronologique de la saga (qui mettent en scène les parents de Miles), mais celui dans lequel se révèle Miles Vorkosigan : L'aprentissage du guerrier. Seule une partie de l'histoire est cependant relatée ici, nous laissant sur un cliffhanger pour nous inciter à suivre les sorties des BD suivantes.
L'univers de la saga Vorkosigan, riche d'une quinzaine de romans et nouvelles, est très étoffé : diversité des planètes et de leurs sociétés, contexte politique, histoire... Il est évident qu'il était impossible de tout reprendre dans une BD, mais le scénario de Dominique Latil tient la route : ceux qui découvrent la série ont suffisamment de matière pour se faire une idée générale et accrocher à l'histoire, tandis que les amateurs de longue date sauront combler les trous sans se heurter à trop d'incohérences.
Les principaux personnages de la série sont là et relativement fidèles. On a ainsi plaisir à suivre Miles dans ses improvisations et à le voir se sortir de situations tordues (ou s'enliser ?) grâce à son aplomb et son bagout. Elena est émerveillée devant ces aventures, son père le sergent Bothari est froid et rigide, le pilote Arde semble toujours complètement largué et Baz le déserteur se fait tout petit quand ça dégénère...
On a cependant perdu l'humour léger omniprésent dans les romans, ce petit rien difficile à définir et qui fait dévorer les pages le sourire aux lèvres. Ici, l'histoire tient debout mais sans nous tenir en haleine.
C'est du côté des dessins de José Maria Beroy que les fans risquent d'être le plus perturbés. Beaucoup ont certainement en tête les personnages tels qu'illustrés par Caza, qui a réalisé la couverture de la quasi intégralité des romans. Mais même les personnages qui ne sont jamais apparus sur ces couvertures s'éloignent de leurs originaux tels que décrits par Lois McMaster Bujold. Personnellement, fort peu de personnages correspondent à l'idée que je m'en faisais : Gregor n'est pas assez brun (ici, il est même carrément blond), Elena n'a pas les cheveux assez longs (Miles craque toujours pour les grandes brunes aux cheveux longs), Bothari pas assez grand (ce devrait être un homme plus qu'imposant) et à l'inverse Aral pas assez petit (les romans le donnent pour trapu et "petit pour un Barrayaran")... Sans compter que les visages semblent toujours assez grimaçants, rendant l'ensemble un peu triste.
Pour autant, tout n'est pas négatif. Les dessins sont agréables. Les décors originaux siéent bien à cet univers galactique. Le traitement informatique donne un aspect froid et net, mais qui colle plutôt bien.
A noter que la couverture est signée Alain Brion et n'est donc pas représentative du contenu de la BD.
Au final, je reste sur un sentiment mitigé. Nous avons là une BD sympathique, mais malheureusement bien en deçà du niveau de l'oeuvre (excellente) dont elle est issue. Ce qui ne m'empêchera pas d'aller jeter un oeil intéressé quand la suite paraîtra...