Les Chroniques de l'Imaginaire

Veille (Singularité - 2) - Sawyer, Robert J.

Webmind, la conscience émergente qui s'est éveillée dans le Web, grandit petit à petit. Il est temps pour Caitlin Decter de présenter son nouvel ami à ses parents. D'abords sceptiques, ceux-ci soumettent Webmind à des tests de Turing (ces tests visent à déterminer si une intelligence artificielle peut simuler avec succès une conversation humaine), mais inversés. Le verdict tombe : Webmind est intelligent et diablement rapide, mais pas humain. Dès lors, Catilin et sa famille vont tout faire pour que Webmind évolue "dans le bon sens".

Justement, Webmind ne demande qu'à faire plaisir. Certes, ce cabotin se joue des sécurités informatiques et pirate le Web en toute sérénité, mais il est tout à fait d'accord pour chercher à maximiser le "bonheur net global de l'espèce humaine". Après tout, sans humain pas de Web, et sans Web plus de Webmind !

Seulement voilà : Watch, l'agence gouvernementale qui surveille le Web, a découvert Webmind. Tout le monde connaît la sentence "le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument". Sous l'impulsion du colonel Hume, l'agence préfère éliminer la super-entité au plus vite, plutôt que de prendre le risque qu'elle devienne malveillante. Webmind, encore balbutiant, saura-t-il résister ? Pour se défendre, le temps est venu de révéler au monde son existence.

Emballée par un premier tome prometteur, je n'ai été aucunement déçue par ce deuxième épisode. Caitlin et Webmind continuent leur apprentissage. Caitlin, après avoir retrouvé la vue, peine parfois à comprendre ce qu'elle voit et doit apprendre à interpréter. Webmind apprend pour sa part à décrypter les données images, vidéos et audios, se cultive en puisant dans le projet Gutenberg et apprend le japonais ou le langage des signes à ses moments perdus. Il tente aussi des expériences sur lui-même pour essayer de mieux se connaître, expériences parfois dangereuses comme il va le découvrir à ses dépens.

Plus intéressant, on suit Webmind alors qu'il se pose des questions sur la conscience et les émotions. Malcolm Decter, avec son expérience d'autiste qui doit faire des efforts volontaires pour répondre aux besoins affectifs de sa femme et sa fille, est persuadé que Webmind souffre des mêmes problèmes : c'est d'ailleurs assez amusant d'imaginer le génie autiste en train d'apprendre à une entité non-humaine à simuler le comportement humain pour mettre à l'aise ses interlocuteurs !
Mais Webmind sait bien ce qu'il ressent : par exemple, il ne doute pas un instant d'aimer "sa" Caitlin ! Il a beau avoir tout le Web à sa disposition, c'est quand même à travers la jeune fille qu'il découvre la vraie vie : il voit par ses yeux, entend ce qu'elle entend... D'où quelques scènes bien amusantes, quand il essaie par exemple de conseiller son amie dans ses relations avec son nouveau petit copain, Matt !

Les Decter n'hésitent pas à orienter les réflexions de Webmind sur des sujets sensibles, pour lui faire prendre conscience de la peur qu'il peut inspirer au public et de la puissance des émotions. Pour cela, quoi de mieux qu'une soirée en famille à regarder les films Wargames ou StarTrek ? Quoique pour ma part, une entité née dans le Web m'évoque plus Jane, la sympathique amie d'Ender dans les romans d'Orson Scott Card, tandis que c'est l'agence Watch qui fait le plus planer le spectre de Big Brother...

L'histoire reste plus centrée sur Caitlin et Webmind que précédemment. On a encore quelques digressions pour suivre le singe Chobo et sa soigneuse Shoshana, ou l'équipe de Watch, mais guère. Ce n'est pas grave, on ne se lasse pas de suivre les deux amis ! J'aime particulièrement les petits passages où Webmind prend le rôle de narrateur, nous donnant son point de vue original.

Comme dans le tome précédent, on apprend beaucoup au passage. C'est vrai que la lecture n'est pas toujours légère, mais c'est très instructif. Cette fois, nous avons donc droit à des réflexions sur l'évolution, la théorie des jeux comportementale ou encore la constitution pacifique du Japon. De nombreuses références littéraires ou scientifiques permettent également de découvrir une foule de petites choses très diverses.

Vivement que je me procure le dernier tome !