Les Chroniques de l'Imaginaire

La cité des ténèbres - Groc, Léon

Outre le roman éponyme, cet ouvrage en contient deux autres, ainsi qu'une préface fort documentée et intéressante de Francis Valéry, et une bibliographie de l'auteur.

La Cité des Ténèbres : un corse aussi excentrique que richissime a décidé de construire un tunnel sous-marin entre l'Italie et la Corse. Lui, sa fille, et un groupe de collaborateurs et amis, dont un éminent philologue, découvrent une gigantesque caverne où vivent, oubliés de tous, les derniers descendants des Chaldéens.

Une invasion de Sélénites : lors d'une mesure d'éclipse en compagnie de toute l'équipe de l'Observatoire de Paris, et du journaliste Robert Persan, Armand Brissot voit tomber une météorite. Machinalement, avant de rentrer chez lui, il ramasse un caillou ayant fait partie de l'objet. Or, ce minéral semble avoir des propriétés étranges. Et au bout de deux jours, le journaliste l'arrache à un sommeil de plomb avec une nouvelle alarmante : sa belle collègue norvégienne, Edwige Frandt, a disparu.

La planète de cristal : René Lesmond est très convaincant quand il expose ses calculs prouvant l'existence d'un second satellite de la Terre. Malheureusement, aucune observation ne corroborant ses dires, il passe pour un illuminé. Avec l'aide de sa jolie soeur Hélène, et de son ami Me Calais, il convainc le génial ingénieur Pierre Saravine de l'existence de la planète. Or celui-ci, passionné par la Lune, a construit une fusée pour s'y rendre, sponsorisé par le milliardaire Victor Grimaille.

Digne héritier de Jules Verne, au moins pour le premier roman et le dernier, qui sont clairement des "voyages extraordinaires", Léon Groc reste aussi lisible que son illustre prédécesseur. Néanmoins, plus que d'anticipation, à mon sens, il faudrait parler en ce qui le concerne de "merveilleux scientifique", au sens où ces romans se passent à l'époque où ils furent écrits, s'ils font appel à des découvertes et, partant, à des technologies ignorées dans la réalité. Toutefois, ces inventions ne sont pas décrites avec précision dans leur fonctionnement, l'auteur prenant la précaution d'élire comme "historiographe" des non-scientifiques.

Le cas du deuxième roman est encore différent puisqu'il y est question d'une rencontre étrange avec des extra-terrestres tout aussi étranges. A mon avis, son originalité même et inversement son thème appartenant de façon si "permanente" à la SF, l'exposent davantage à la critique. En effet, si les "pierres vivantes" le sont effectivement, dans la mesure où l'auteur définit la vie ("Naître, croître, engendrer, décroître, mourir, ne sont-ce point les caractéristiques de la vie ?..." page 257), cette même définition, sommaire et qui s'applique aussi bien aux végétaux, n'explique en rien la possibilité de la communication avec notre espèce.

Alors, certes, ces romans sont très lisibles, mais plus à titre de curiosité qu'autre chose, ou alors comme des romans d'aventure remplis de verve, dont les rebondissements s'enchaînent plaisamment. Nonobstant, ils nous démontrent, s'il en était besoin, que la SF francophone de l'époque n'existait pas moins pour être ignorée de ceux qui, outre-Atlantique, inventait le mot qui désignerait cette littérature. Les romans américains de cette époque ne sont pas plus élaborés que ceux-ci, et ne se lisent guère qu'au même titre qu'eux, de nos jours, et personne ne pourra dire que les textes de Groc manquent de "sense of wonder" !