Pour les enquêteurs du 36 quai des Orfèvres, les affaires s'enchaînent mettant en avant les talents des plus compétents. Or cette fois-ci, la situation semble bien compliquée. Un premier cadavre, celui d'un conseiller d'orientation, exécuté en pleine rue alors que rien ne présageait une telle condamnation. Puis vient le meurtre d'un enseignant en lettres puis d'un célèbre éditeur des rues parisiennes. Or la liste ne semble pas finie. Pour chaque, le tueur envoie une courrier revendiquant ses actes. Un courrier signé différemment à chaque fois, une lettre timbrée à l'effigie de Georges Simenon, postée à des endroits bien précis. A travers ces écrits, quels messages l'assassinat veut-il transmettre ? Quel sens est à donner à tous ces meurtres ?
Hervé Jourdain n'a pas voulu écrire un roman comme on l'entend avec ces scènes d'action héroïques et ces personnages émouvants. Il a voulu plutôt donner un esprit de documentaire. On le ressent à travers les paroles de certains enquêteurs. On le comprend à travers les titres : bref, comme des annotations d'un document : début d'enquête, la Crim' un dimanche, lettre de Suisse, visite chez Minette... Cela apporte du réalisme à l'enquête et prépare le lecteur à vivre au côté des hommes du 36. Pas d'état d'âme, le tueur doit être arrêté.
Cependant, même si cela rapproche le lecteur de la réalité, on a du mal à ressentir des émotions : on ne vibre pas devant le danger, on ne ressent pas de la colère face à une enquête qui n'avance pas. On comprend la frustration des inspecteurs face au jeu du tueur. On comprend la cohésion des membres d'un groupe et le temps qu'il passe côte à côte. Mais l'auteur exploite peu l'aspect vie personnelle et ne touche pas le cur du lecteur. Ne sommes-nous pas simple spectateur ? Toute l'attention est mise sur l'enquête.
Reste l'intrigue. Le tueur, par jeu, transmet des indices aux enquêteurs, par courrier. Des timbres à l'effigie de Georges Simenon, des lieux où celui-ci a résidé, des signatures que l'auteur a employées pour marquer ses uvres. Tout le mystère tourne donc autour du père de Maigret, célèbre personnage de polar. Mais quel est le lien avec les victimes ? Pourquoi toute cette mise en scène ? C'est une chasse aux indices bien construite que nous propose l'auteur. Même si le procédé est connu, on apprécie d'en lire un bon exemple.
Même si Maigret n'est pas mon policier préféré, j'ai aimé découvrir une partie de la vie de son auteur. L'intrigue, autour de ce fil conducteur, a donné du rythme au roman, construit comme un documentaire. Sang d'encre au 36 mérite bien toutes les félicitations reçues même s'il m'a manqué un peu de sentimentalisme pour les acteurs de cette brigade.