Les Chroniques de l'Imaginaire

La blessure et la soif - Plazenet, Laurence

M. de la Tour obéit à son père qui le veut soldat, et Frondeur. Un jour, son oncle, M. de Clermont, l'envoie porter un message à son épouse. Dès leur rencontre, tous deux s'éprennent l'un de l'autre, sans se le dire. Plus tard, Mme de Clermont soigne M. de la Tour grièvement blessé, et sauve sa vie. Devenus amants, ils doivent se séparer, et M. de la Tour, désespéré, part.
Au bout du monde, il rencontre un autre homme perdu, qui cherche le vide au bord d'un lac. Il passe des années à ses côtés, à entendre cette voix qui, parfois, la nuit, raconte la mort d'une femme et la déréliction d'un Empire.

Ce roman bouleversant est écrit dans un beau français classique, véritable régal de lecture pour les amateurs. Il a par ailleurs le mérite de donner à percevoir le vertige que pouvait être la recherche de Dieu pour les solitaires dénués de tout de Port-Royal. Les personnages sont complexes, humains, crédibles, dans leurs fidélités et leurs faiblesses, et celui de Mme de Clermont est tout simplement inoubliable. L'amour fou, quasiment au sens littéral du terme, de ces deux couples si différents non seulement est touchant, mais donne aussi le goût d'être attentif au monde sur le fond duquel il se déploie.

Dans les deux cas, c'est une société en crise. Certes, la Fronde n'est qu'un soubresaut, mais qui ne sera pas sans conséquence, au sens où Louis XIV en restera profondément marqué, et ne supportera aucune déviation par rapport aux règles royales, que celles-ci soient civiles ou religieuses : Port-Royal ne survivra pas, mais à terme, la royauté non plus... Quant à la Chine, la fin de l'Empire des Han au profit des Mandchous fera disparaître une certaine idée de l'homme, également.

Enfin, l'auteure s'entend à merveille à illustrer, avec le plus grand respect, les différences autant que les ressemblances spirituelles entre ses deux personnages masculins, dans leur confrontation paisible, mais finalement inconciliable.

En somme, une histoire hors du commun, forte, dont il est difficile de sortir une fois qu'on en a entamé la lecture.