Les Chroniques de l'Imaginaire

L'or et la toise (Ceux des eaux mortes - 1) - Tarvel, Brice

Contrée pluvieuse et marécageuse aux eaux souillées par l'alchimie ancienne, la Fagne n'était déjà pas gâtée avant l'intervention de Vorpil. Hélas, le magicien courroucé en a fait un pays plus invivable encore, ou plutôt deux : dans le Nord, tout grandit petit à petit, tandis que le Sud est soumis à une malédiction opposée, la petitesse. Humains, animaux, nourriture, masures, rien ou presque n'est à l'abri. Pour contrer le mauvais sort, il faut absorber régulièrement un élixir miracle, le Toiseur, difficile à élaborer et donc bien évidemment hors de prix. La vie en Fagne est une lutte de tous les instants.

Si on dérobait en Fagne du Sud le magot légendaire du baron Tillot et qu'on l'amenait en Fagne du Nord, le trésor grossirait de lui-même, rendant son possesseur particulièrement riche. Tel est le calcul que font deux traîne-vases, le blond Jodok et son compère le colosse Clincorgne. S'adjoignant les services de Renelle, sorcière aussi vulgaire qu'obèse, les voilà partis. Comme on pouvait cependant s'y attendre, leur quête ne va pas être de tout repos !

De prime abord, le décor planté par Brice Tarvel est alléchant. De la magie ancienne et récente, des animaux étonnants, des inventions délirantes et des personnages hauts en couleur : c'est inventif et titille l'imagination. Bref, les ingrédients sont réunis pour une fantasy drôle et légère.

Ce qui m'a refroidi, c'est le langage employé. La quatrième de couverture annonçait "une langue aux accents rabelaisiens", que je jugeais plutôt prometteuse, mais là c'est plus qu'une touche d'accents. L'auteur fait preuve de son érudition, nous ensevelissant sous une avalanche de mots archaïques et de tournures ampoulées. Cela rend la lecture plus difficile que poétique, d'autant que beaucoup de mots restent obscurs malgré les rares notes explicatives de bas de page (mais peut-être cela vaut-il mieux, le récit étant souvent un brin paillard ?). Bref, une écriture lourde qui a été pour moi un frein à la lecture. Espérons que l'auteur saura user de ce style si particulier avec plus de parcimonie dans les tomes suivants, apportant ainsi une amélioration notable.

Si on passe outre, on a cependant une suite d'aventures abracadabrantes assez divertissantes. Les personnages sont relativement caricaturaux mais hauts en couleur et finalement plutôt sympathiques, même s'ils ne sont pas crédibles. On a même un brin de romance, nos aventuriers au grand coeur finissant par croiser sur leur route deux séduisantes jeunes filles, une demoiselle châtiée par son père pour avoir manqué l'écraser par mégarde (il faut dire qu'il s'était laissé rapetisser jusqu'à une taille vraiment ridicule) et sa suivante la dévouée Alda. Le seul hic, c'est que la noble Candorine s'est exposée trop longtemps aux eaux polluées de la Fagne et commence à se couvrir d'écailles...

Bref, si on est prêt à faire un petit effort pour surmonter le langage trop pittoresque, on a là un divertissement plutôt agréable.