Le royaume de Jurilan est bâti sur un système très hiérarchisé : une multitude de Cendres travailleurs, avec au sommet de l'échelle les Perles privilégiés qui constituent l'élite. Ceux-ci sont répartis en dix castes plus ou moins influentes : les Robes Gouvernants, les Robes Historiens, etc. et les Armures qui protègent le pays des monstres qui le hantent. A quelques jours de la cérémonie des voeux, Nawel Hélianthas ne s'interroge guère sur son avenir : comme le souhaite sa famille, elle compte requérir la prestigieuse Robe de Mage.
Mais une suite d'événements va tout remettre en question. Orgueilleuse et méprisante, la jeune Perle s'irrite d'une insulte imaginaire et fait fouetter à mort une Cendre. Profondément déstabilisée par l'accident, Nawel va enfin ouvrir les yeux devant les mesures draconiennes prises par sa mère pour classer l'affaire : les Perles influents ne sont que des requins calculateurs dévorés par l'ambition. Dégoutée, elle tourne le dos aux siens et choisit de porter l'Armure.
C'est toujours un plaisir de découvrir une nouvelle histoire du regretté Pierre Bottero. Le monde que nous découvrons ici est intriguant et titille l'imagination du lecteur : qui sont les Anciens, ces mystérieux disparus sur les ruines desquels est bâtie la civilisation jurilan ? Comment ont-ils disparu, alors que leurs réalisations survivantes - que les Jurilans utilisent sans les maîtriser - témoignent d'un haut niveau technologique ? Et d'où viennent les Jurilans eux-mêmes, installés ici depuis seulement quelques siècles ?
Les réponses, car nous en aurons quelques une, raviront les fans, car elles relient cette histoire aux autres séries de l'auteur : La Quête d'Ewilan, Les mondes d'Ewilan et Le pacte des Marchombres, qui se déroulent en Gwendalavir, ainsi que L'Autre, qui a pour cadre notre propre monde. La fin très ouverte de ce récit unificateur devait ouvrir la voie à une nouvelle trilogie, mais la mort prématurée de l'auteur laisse charge au lecteur d'imaginer à sa guise la suite de l'aventure ! Mais rassurez-vous, ce roman se suffit à lui-même et peut parfaitement être lu indépendamment.
Du côté des personnages, on a une héroïne à la fois forte et fragile : un caractère très fort et entêté cachant un coeur tendre. D'abord agaçante de prétention et d'arrogance, Nawel va mûrir au fil des épreuves, découvrir l'importance des choix, pour devenir une jeune femme courageuse et respectueuse, ouverte au monde. On a affaire ici à un récit initiatique, avec des réflexions sur le hasard et le destin, la responsabilité, la recherche de l'identité. Si le prénom de la jeune fille la rapproche d'Ewilan, c'est plutôt à la marchombre Ellana que l'on pensera en la voyant évoluer et grandir au fil des pages...
On peut cependant regretter que le récit soit entièrement centré sur Nawel et que les autres personnages, amis et parents de l'adolescente, manquent un peu de consistance.
La plume de Pierre Bottero reste fidèle à ce qu'elle était dans de précédents écrits, très caractéristique : des phrases qui vont droit au but, ciselées et courtes. Et même souvent très courtes, régulièrement réduites à seulement un mot ou deux, appuyant l'idée exprimée. On reconnaîtra également la patte de l'écrivain dans des expressions ou des tournures qui lui étaient chères, dont la répétition à l'envie peut prêter à sourire. Ce qui est sûr, c'est qu'on aura presque l'impression de replonger en Gwendalavir, malgré les grandes différences entre les deux mondes...
Le tout pour notre plus grand plaisir !