Ce deuxième tome du Grand livre de Mars nous replonge dans le même univers que celui rencontré dans le premier opus. Les villes, les tribus, les caractéristiques des habitants sont les mêmes. Le contexte géopolitique est étoffé. On en apprend plus sur les relations Terriens - Martiens, qui apparaissent plus conflictuelles que ne le laissait supposer le premier tome. Les Terriens sont une civilisation technologiquement plus avancée que celle de Mars, mais parce que les Martiens ont perdu leurs savoirs, acquis il y a des millénaires. Les Terriens sont peu acceptés dans certaines parties de la planète, notamment dans les Bas-Canaux.
Ce deuxième tome regroupe un roman, Le peuple du talisman, et un recueil de nouvelles intitulé Les Terriens arrivent.
Dans Le peuple du talisman nous retrouvons Eric John Stark, qui s'était infiltré chez les mercenaires en partance pour Sinharat, cité de la civilisation Rama. Il se trouve cette fois dans une région désertique recouverte de neige, car son ami voulait restituer à son peuple le talisman qu'il avait volé. Blessé, cet ami meurt et confie la responsabilité à Stark de ramener à bon port le talisman, garant de la sécurité de la cité de Kushar. Son chemin va croiser la route des cavaliers Mekhs, qui le garderont captif jusqu'à ce que Stark parvienne à s'échapper. Arrivé à Kushar, il devra prévenir de l'attaque prévue par les Mekhs pour s'emparer de la ville.
Ce roman m'a semblé très long, car une très longue partie est consacrée à la bataille. L'écriture de Leigh Brackett est toujours aussi visuelle, on est au coeur des évènements, mais cela reste un peu trop factuel à mon goût, sans la moindre touche d'humour, ce qui rend le récit relativement laborieux. J'ai pris goût à l'histoire à la fin, lorsque Stark parvient à passer les Portes de la Mort, car ce qu'il y trouve est stupéfiant.
Les nouvelles en revanche sont plus prenantes, variées, inventives, tout en restant dans le même univers.
- Le jardin du shanga : Burk Winters a choisi de prendre un congé sur Mars. Il veut expérimenter plus loin le shanga, qui permet aux humains de régresser à l'état primitif pendant un temps donné, une sorte d'exutoire. Il sera amené dans un lieu où ceux qui ont abusé du shanga sont presque redevenus des primates, et sont exposés au regard moqueur des Martiens. Il a fait son choix par amour, pensant qu'il pourra retrouver sa fiancée. Cette nouvelle met en exergue le mépris des Martiens envers les humains.
- La malédiction de Bisha : un médecin terrien vit en marge de la ville, rejeté par les autochtones. Un jour, une femme martienne venue d'une tribu lointaine lui abandonne sa fille Bisha, prétextant qu'elle a besoin de soins. Bisha semble être porteuse d'une malédiction : ceux qui restent près d'elle se vident de leur énergie, sombrent dans un sommeil profond sans s'en apercevoir. Contrairement à la nouvelle précédente, ce récit met l'accent sur les liens d'amour qui peuvent se tisser entre des civilisations différentes.
- Les derniers jours de Shandakor : John Ross est un anthropologue qui rêve d'une chaire sur Terre en faisant une découverte sur Mars. Lorsqu'il rencontre un être qui prétend appartenir à un peuple mourant, il lui propose immédiatement de se rendre dans cette cité bientôt perdue. Là il sera amené à arpenter des rues grouillantes de fantômes des temps passés, et tentera de sauver Shandakor, plus pour la gloire, mais par amour.
- La prêtresse pourpre de la lune folle : Harvey Selden est ravi d'atterrir sur Mars pour la première fois. A peine est-il arrivé qu'il est déjà invité à dîner en compagnie de Martiens. Mais l'invitation se révèle être un piège pour le mener clandestinement à Jakkara et assister à une cérémonie étrange. Les Martiens n'ont pas pour habitude de faire appel à l'aide des Terriens, mais cette fois ils ont besoin que Selden dénonce ce qu'il a vu à ses supérieurs, pour sauver Jakkara.
- La route de Sinharat : le scientifique Matthew Carey est un fugitif. Il s'est opposé au programme de son département visant à amener le progrès de façon forcée alors que les locaux ne le souhaitent pas, et sa direction n'a pas accepté ses réserves. Il s'engage auprès de son compagnon de "pillage de tombes" vers la cité de Sinharat, à la recherche de documents Ramas prouvant qu'il ne faut surtout pas aller à l'encontre de la volonté des Martiens.
Ce qui est intéressant dans les textes de Leigh Brackett, c'est qu'au travers de ses récits de science-fiction, de batailles, de moeurs qui nous sont étrangères, elle parvient à distiller des réflexions sur notre propre monde : la place de l'étranger, la tolérance, la confiance, les dangers de la drogue, des superstitions, l'importance du passé... Bien que je reste hermétique à son style, je ne peux que saluer l'inventivité et la cohérence de son oeuvre.