Henning Mankell est avant tout connu pour sa série policière mettant en scène le commissaire Wallander dans sa bourgade du sud de la Suède. Dans ce roman, l'écrivain a opté pour un tout autre registre, racontant l'histoire d'un homme rattrapé par son passé.
Depuis qu'il a commis une erreur médicale il y a douze ans en tant que chirurgien, Fredrik Welin vit seul sur une île au large des côtes suédoises, dans la maison qui appartenait jadis à ses grands-parents. Ses journées se suivent et se ressemblent. Tous les matins il creuse un trou dans la glace pour prendre son bain, il note sur son journal les animaux qu'il a aperçus, la météo, et tous les soirs il lit avant de s'endormir. Pour seule compagnie il a une chatte et une chienne qui arrivent à la fin de leurs jours et le facteur hypocondriaque Jansson, qui passe trois fois par semaine plus pour parler de ses problèmes médicaux farfelus que pour apporter du courrier à Fredrik.
Un matin, alors qu'il est plongé dans l'eau glacé, Fredrik aperçoit une femme avec un déambulateur se diriger vers sa maison. Il la reconnait tout de suite. C'est Harriet, son amour de jeunesse, qu'il n'a pas vue depuis trente-sept ans. A l'époque il était étudiant en médecine, un stage lui avait été proposé aux Etats-Unis. Il est parti la veille du jour annoncé à Harriet, la laissant dans l'incompréhension totale. Son retour lui cause un choc, d'autant plus qu'il découvre qu'elle est atteinte d'un cancer en phase terminale. Pourquoi a-t-elle souhaité le retrouver ? Fredrik lui avait fait la plus belle promesse qu'on lui avait jamais faite, et elle l'a retrouvé pour qu'il la tienne.
Sa vie va basculer. Il vivait seul, sans femme, sans enfant, laissant les jours s'écouler sans vraiment les vivre. Tout à coup la seule femme qu'il ait aimé revient vers lui. Il va apprendre qu'il a une fille, va apprendre à tisser des liens avec elle, à retrouver un sens à sa vie en acceptant ses erreurs passées et en essayant de rattraper le temps perdu. Mais en acceptant de vivre il va devoir aussi accepter la présence de la mort.
C'est un très joli roman, d'une sensibilité subtile, qui propose une réflexion sur le sens de la vie. On se sent très proche de ce personnage qui ne supportant pas le remord en a oublié de vivre. La façon dont il fait face à ce qui lui tombe dessus sans prévenir est très touchante, car il ne sait comment réagir, et sa carapace se fissure à mesure qu'il s'ouvre aux autres. Un autre attrait du roman réside dans le décor : on est en Suède, au milieu de paysages enneigés, de la glace, de forêts, de villages isolés. La pureté de l'environnement renforce la sensation que Fredrik décide de mettre le passé de côté pour profiter de la beauté qu'il peut retirer du présent. Quant au titre, Les chaussures italiennes, il s'agit du fil rouge qui unit les personnes qui ont marqué sa vie : son père, sa fille, et Harriet.