Les Chroniques de l'Imaginaire

Sale fric - Azzarello, Brian & Santos, Victor

Rich Junkin fut un bon joueur de football américain au niveau universitaire. En 1955, il fut même le meilleur joueur de l'état. Seulement, une blessure au genou l'obligea à mettre fin à sa carrière. Brutalement. Du coup, aujourd'hui, il vend des voitures pour monsieur Soeffer. Enfin, il essaye de vendre des voitures. Parce que Junk est un vendeur médiocre. Peut-être que le fait qu'il couche avec les femmes des clients au moment de la livraison de la voiture fait qu'ils se désistent plus que pour les autres vendeurs. En tous cas, Junk est le boulet de la société, souvent victime des moqueries de ses collègues. Quand un jour la moquerie fait que Junk risque de se battre avec Meech, le meilleur vendeur de la concession, Soeffer ne peut pas laisser courir. Seulement, au lieu de virer Junk purement et simplement, il a un autre job à lui proposer.

Herb Soeffer a une fille, Vicki. Et Vicki aime bien la vie nocturne ainsi que ses excès et ses frasques. Elle apprécie un peu trop de faire la une des journaux à scandale, ce qui ne convient pas à son vendeur de père qui n'aime pas ce genre de publicité. Il aimerait donc bien que quelqu'un veille sur sa fille, de loin, pour empêcher n'importe qui de l'approcher. C'est là que Junk va découvrir un nouvel univers : celui d'un luxe dont il n'a pas les moyens et de personnes qui se croient tout permis. Malgré ses défauts, Junk va quand même essayer de faire son travail du mieux qu'il peut.

Mais le luxe n'a-t-il pas le pouvoir étrange de corrompre tout le monde ? Ou bien Junk était-il une terre trop fertile ?

Deuxième titre à sortir dans la collection Dark Night, Sale fric doit passer après l'excellent Le frisson, ce qui n'est pas une mince affaire. Au niveau de la narration, il faut un petit temps d'adaptation pour se faire à la manière de faire de Brian Azzarello, mais cela vient assez rapidement. En effet, on prend la vie de Junk en cours de route et il faut un peu de temps pour avoir les informations nécessaires pour bien tout comprendre. Surtout qu'il change pas mal durant l'histoire. Certaines transitions auraient mérité sûrement un peu plus de clarté mais ce n'est pas cela qui empêche la lecture.

Ce qui m'a le plus dérangé, je dois l'avouer, est le dessin de Victor Santos. On sent qu'il y a du potentiel, mais j'ai trouvé le travail un peu trop brut, parfois limite dans les proportions, par exemple. Bien sûr, je serai bien incapable de dessiner comme lui, mais sur un récit de près de 200 pages, le dessin est quelque chose de très important. Pourtant, même si ce style de dessin, brut de décoffrage, m'a gêné par moment, on ne peut nier le fait qu'il colle parfaitement au récit, lui aussi brut, dans sa forme comme dans son fond. Peut-être fallait-il cela pour bien rendre l'ambiance nocturne et dérangeante de l'histoire. Seulement, je pourrai comprendre que cela gêne plus que moi certains lecteurs. D'ailleurs, pourquoi ne pas avoir pris d'extrait du livre pour la couverture, comme cela était le cas pour Le frisson ? Par contre, je reconnais volontiers un très bon travail sur les encrages. Les visages sont ainsi parfois mis très bien en valeur, surtout dans des expressions dangereuses ou malsaines.

Au final, malgré des points qui me dérangent encore et le fait qu'il m'a fallu un petit temps pour me mettre au diapason avec ce que je lisais, Sale fric m'a fait passer un bon moment de lecture. On quitte le côté thriller fantastique pour arriver dans un polar noir, mais n'est-ce pas aussi la vocation de cette collection ?