Nous sommes à Paris, en 1941. Deux gamins, les frères Joffo, jouent ensemble aux billes, et on voit rapidement que l'ainé, Maurice préserve son petit frère Joseph. Une fois la partie terminée, ils se rendent chez leur père, qui tient un salon de coiffure où la clientèle, tout comme eux, est essentiellement juive. Pourtant, un petit évènement a lieu lorsque deux soldats SS font irruption dans le salon afin de se faire eux-mêmes couper les cheveux : tout se passe pour le mieux et les discussions sur la guerre et les juifs vont bon train. Le père Joffo finit par leur dire que toutes les personnes présentes dans le salon sont justement juives. Les deux SS sont déboussolés, et partent sans avoir eu le dernier mot : une belle victoire donc pour le père Joffo.
La famille Joffo est maintenant en France depuis des décennies, et elle est persuadée que, tant que les mots liberté, égalité et fraternité seront encore inscrits dans les mairies, ils seront en sécurité. Mais les évènements ne leur donnent pas raison... Alors un soir, leur père les réunit et leur explique qu'ils vont devoir partir seuls. L'objectif est que Maurice et Joseph se rendent à Menton, près de l'Italie, en zone libre, afin d'y retrouver de la famille.
Mais le chemin de Paris à Menton est long, et surtout étroitement surveillé... Alors, avec quelques sous en poche, les gamins ne pourront compter que sur eux-mêmes, et sur les quelques bonnes rencontres qu'ils pourront faire en chemin : entre les gares et les passeurs de confiance qui permettront le passage en zone libre, tout ne devra qu'inspirer la méfiance. Et puis surtout, leur père le leur a bien fait comprendre : quoi qu'il arrive, il ne faudra jamais dire à quiconque que Joseph et Maurice sont juifs...
Qui mieux que Kris et Vincent Bailly pouvaient reprendre ce roman de Joseph Joffo en bande dessinée ? L'adaptation, très belle, est prévue en deux tomes, chez Futuropolis. Les deux adaptateurs n'en sont pas à leur première collaboration, puisqu'ils avaient déjà contribué au magnifique Coupures irlandaises, chroniqué à l'époque sur ce site. On retrouve ici un découpage propre à Kris, qui sait parfaitement retranscrire l'ambiance lourde du roman à travers ce premier tome.
Certes, pour le moment, tout va bien pour les frères Joffo : toutes leurs rencontres sont bonnes jusque la ville de Menton, et leur intelligence leur permet de contrer les contrôles des policiers français (parfois pires encore que les contrôles allemands). Des railleries à l'école avec la fameuse étoile juive, aux contrôles permanents, il y a là de quoi se rendre compte de la situation de notre pays il n'y a finalement pas encore si longtemps...
Côté graphisme, c'est tout simplement magnifique ! Le dessin de Bailly fait la part belle aux visages et aux expressions. Les couleurs sont parfaitement choisies, et sont une nouvelle fois parfaitement mises en valeur par cette qualité de papier propre aux ouvrages de cet éditeur. Un très beau premier tome dont on ne peut attendre la suite qu'avec impatience, que l'on ait lu ou pas le célèbre roman de Joseph Joffo.
