Quiconque connait un peu les mangas savent qu'au Japon, un manga qui est publié en volume a préalablement été édité dans un magazine spécialisé (shônen, shôjo, seinen ou autre). Certains noms sont devenus célèbres, tel le fameux Weekly Shônen Jump qui a vu ou voit encore défiler dans ses pages des cartons comme Dragon Ball, One Piece, Saint Seiya, Naruto... Il est donc totalement naturel pour une maison d'édition française d'essayer d'en faire de même. Pourtant, certains s'y sont déjà cassé les dents : exit le Shônen de Pika Edition ou le Shogun des Humanos. Pourtant, et je vais même dire selon leur habitude, Ankama décide d'aller à contrepied des autres éditeurs et de tenter l'aventure lui-aussi.
En effet, cette jeune maison roubaisienne aux activités très diversifiées a décidé de créer un concept nouveau (à peu de chose près) dans un marché qui est vide de ce point de vue : la collaboration franco-japonaise. Ainsi, chaque chapitre de série qui sont édités dans Akiba Manga ont été scénarisés par un ou plusieurs français, puis dessiné par un mangaka, donc japonais. Le principe étant le même que pour les magazines nippons : seules les séries appréciées des lecteurs sont vouées à continuer de paraître, et la meilleure se verra publiée en volume. Ce sont donc bien les lecteurs qui votent, via le site Internet d'Ankama. Sur le papier, le concept est donc intéressant. Mais la réussite est-elle au rendez-vous ?
Entrons donc dans le contenu de ce magazine : avec au préalable un manga hors-compétition intimiste d'un des maîtres de l'animation, Araki Shingo, à qui l'on doit principalement l'anime de Saint Seiya (qui est il faut l'avouer mieux dessinée que dans l'oeuvre originale !). Ici, point d'action. Un garçon aime dessiner, mais quelques individus veulent le manipuler pour lui prendre ses dessins afin de gagner un concours. Shingo dévoile ici une partie de son propre passé, avec une forme très poétique, difficile à cerner, mais attachante, en particulier grâce à ses dessins naïfs, et ses couleurs qui font penser à des crayonnés d'enfants. Puis, plusieurs articles sont proposés, avec des critiques de jeux vidéos ou de films liés au Japon. Quelques critiques de mangas de différents éditeurs et des interviews concluent le volume.
Le gros du morceau, c'est bien entendu les sept mangas en compétition, préalablement préfacés par les dessinateurs désireux de créer un lien avec les lecteurs. Notez que l'ordre de parution de ces mangas est déterminé par le résultat des votes des internautes lors du volume précédent... comme au Japon. Parmi ces séries, il y a du bon... et du moins bon. Pour ma part, je retiendrai principalement le shôjo Terminus, de Katsura Takada, où une jeune fille rencontre un homme dans le train, et découvre que celui-ci n'est autre que le président du club de musique de l'université. J'apprécie aussi l'idée de La mort en grève, de Midori Harada, bien que le style graphique n'est pas forcément des meilleurs. Dans un autre style, j'aime bien Agents Suicide, de Shino, même s'il a encore beaucoup à prouver en terme de scénario, qui n'en est qu'à une introduction.
J'aime moins, pour son côté trop cliché et une copie évidente de nom de personnages, Les dix de Sanada, de Kosato, un shônen de ninja avec un héros beau grand et fort du nom de Sasuke (si si...). De même les deux séries de Savan me laissent sur ma faim. Le dernier manga, La valse des corps, a, je pense, encore beaucoup à faire pour développer son scénario. En effet, Kenta Hashiura multiplie les aller-retour dans le passé, autour d'un événement que l'on essaye de deviner, sans avoir toutes les clés pour le faire. Frustrant.
Pour conclure sur la lecture d'Akiba Manga, je pense que l'idée est intéressante, mais que les séries proposées sont globalement peu fignolées, et loin d'être aussi poussées que les mangas arrivant en France actuellement. Je n'y ai guère vu de différence avec feu-Shogûn Mag, si ce n'est pas la qualité de l'édition elle-même (meilleur format, meilleur papier, meilleurs articles... et pour le moment un prix plus attractif). Par contre, les Humanos avaient plus de séries à leur actif. Ankama gagnera-t-il son pari ? Possible, mais à mon sens il faudra impérativement passer par des séries plus fortes que la plupart de celles proposées actuellement. Le reste, c'est que du décorum.