Les Chroniques de l'Imaginaire

1976 - 1979 (Spirou et Fantasio - 11) - Fournier, Jean-Claude

Fournier, dans son travail sur Spirou, ne fait pas que des heureux. Les héritiers de M. Dupuis notamment, le trouve trop gauchiste et trop breton pour l'un des héros de la nation belge. Son travail, plus lent que celui de Franquin avant, est aussi critiqué : Spirou n'apparaissait pas assez souvent dans son propre journal ! C'est ainsi que Fournier se voit proposer de fonctionner en alternance avec d'autres auteurs. Vu la situation, il démissionne. Ses dernières histoires sont pourtant fort réussies, comme vous allez le découvrir.

Dans l'Ankou, Spirou et Fantasio se rendent en Bretagne pour participer à un congrès de magiciens. Fantasio n'est guère intéressé, mais quand il apprend que l'invitation vient d'Ororéa, il se montre fort pressé d'y arriver. Mais une fois sur place, les amis apprennent que la demoiselle n'est pas revenue cette nuit, alors qu'elle se rendait à la centrale nucléaire de Berniliz. Ils décident d'enquêter pour secourir leur amie... quand ils sont abordés par une légende locale : l'Ankou, un esprit qui va chercher les morts... mais qui a peur des conséquences d'une catastrophe nucléaire. Ne trouvez-vous donc pas que cette histoire, datant de 1976, a des airs très actuels ?

Puis, Spirou et Fantasio vont tenter de pénétrer dans un pays totalitaire d'Asie qui ferme ses frontières, le Çatung. Celui-ci dispose d'une armée importante, et du matériel adéquat. Mais comment un si petit pays arrive-t-il à avoir les moyens financiers de maintenir une telle armée ? C'est exactement ce que les deux journalistes veulent découvrir. Avec Kodo le Tyran, Fournier désirait commencer un très long cycle d'albums à suite... mais vu le contexte au sein des éditions Dupuis, il se contentera de terminer ses idées avec un deuxième volume, Des haricots partout. Ce premier album a pourtant pour ambition de dénoncer le comportement des dictateurs, et leurs méthodes inhumaines, le tout avec un humour absent de l'album d'Hergé, Tintin et les Picaros. Le second opus suit la logique du premier, avec cette fois le besoin de transmettre au monde extérieur les preuves des liens du général Kodo avec la mafia. Mais Fournier y apporte aussi un côté humanitaire, avec la façon de sauver un peuple, mais aussi de lui assurer son avenir d'une façon honnête.

Pour achever ce dernier opus de l'intégrale version Fournier, les compilateurs ont retrouvé des histoires écrites par un lecteur du journal, Hervé Croze, pourtant sur les aventures de Spip, qui ont été mises en image par Fournier puis publiées dans le journal. Enfin, les quelques planches finales dévoilent ce qu'aurait pu être le 30e album de Spirou.

Au final, ce volume est un bon opus de l'intégrale de Spirou et Fantasio. Il me faut aussi saluer l'honnêteté des éditions Dupuis qui publient les faits réels, et non ceux expliqués à l'époque. L'interview de Fournier d'ailleurs est assez imagée sur les événements. Enfin... ce qui est fait est fait, et nous découvrirons un duo d'auteurs dans le prochain volume des intégrales !