Les Chroniques de l'Imaginaire

Pirates et gentilshommes de fortune - Collectif

Dans cet imposant pavé d'où semble s'exhaler le bruit de la mer, comme d'un coquillage, sont rassemblés des textes, plus ou moins longs, plus ou moins connus, consacrés à la Flibuste. La préface de Dominique Le Brun introduit fort bien le sujet, quoiqu'un peu brièvement à mon avis. C'est sans doute parfait pour qui veut seulement se distraire en lisant des romans d'aventures maritimes, mais pour qui cherche à comprendre l'attrait de la figure romanesque du pirate, c'est un peu court.

Le négrier, d'Edouard Corbière : Un jeune garnement qui ne songe qu'à naviguer devient capitaine d'un navire négrier. Ce texte est le plus ancien du recueil, et à mon avis trop "daté" pour être encore lisible avec plaisir : la position du personnage principal par rapport à l'esclavage, certes plausible étant donné l'époque où il est placé, paraît choquante aujourd'hui, par exemple.

L'île au trésor, de Robert Louis Stevenson : Tout le monde connaît l'histoire, bien sûr ! J'ai été surprise en relisant ce roman lu dans mon enfance (lointaine) de constater qu'il n'a pas pris une ride, et supporte parfaitement la relecture. On ne s'y ennuie pas une minute, d'une péripétie à l'autre, et le personnage de Long John Silver est véritablement exceptionnel.

Contes de pirates, de Sir Arthur Conan Doyle : Deux aventures de l'odieux capitaine Sharkey, dont la seconde le voit défait... par un adversaire inattendu. Typique du style de l'auteur, en qui l'on a bien tort de voir seulement le créateur de Sherlock Holmes, la preuve : il réussit fort bien dans un genre tout différent.

Les pirates de l'avenue du Rhum, de Pierre McOrlan : Sous prétexte de nous raconter comment fut piraté le Mulhouse, cargo chargé de spiritueux français, l'auteur parle de la prohibition et de ses dangers. Ce serait encore plus passionnant s'il ne le faisait dans un style surchargé, très indirect, qui empêche le lecteur de participer à l'action et de s'intéresser aux personnages.

L'or du Cristobal, d'Albert T'Serstevens : Edith, la belle Américaine installée à Guayaquil, propose au coronel Romero Tovar une affaire qu'il ne peut refuser : capturer le Cristobal, qui contient 19 millions de dollars en or, destinés à l'Allemagne en guerre. Part à trois avec le lieutenant Dupuy, qui lui a apporté l'information. Pour moi l'histoire de pirates peut-être la plus "typique" du recueil, avec l'équation fatale or + femme (fatale elle-même...), malgré le fait qu'elle se déroule à une date récente. En tout cas, c'est clairement le roman que j'ai préféré, avec son ambiance moite, menaçante, en huis-clos constant. Vraiment une excellente découverte que cette histoire, qui justifierait presque à soi seule l'acquisition de ce recueil.

Cahiers de Le Golif, dit Borgnefesse : Un texte plein de verve qui raconte, à la première personne, l'histoire du corsaire Borgnefesse, plus heureux en course qu'en amour. Vraiment très plaisant à lire, avec plein de beuveries, des duels entre "gentilshommes de fortune", des femmes... et des fantômes.

Les clients du Bon Chien Jaune, de Pierre McOrlan : Après la mort de son père, le petit Louis-Marie Bénic, devenu pirate, courrait le risque d'être pendu sans sa rencontre avec la Chevalière. Une bien belle histoire de mer et de superstition que ce texte, qui me réconcilie tout-à-fait avec son auteur.

Tous ces romans sont un vrai plaisir à lire et à relire, pour les amateurs de ce type de littérature, d'autant qu'ils sont extrêmement différents les uns des autres, et que de ce fait ils présentent une variation impressionnante du personnage, que l'on aurait pu croire stéréotypé et rebattu, du pirate. Par ailleurs, le glossaire, très étendu, est également fort utile. Quant à la liste des Omnibus "apparentés", elle ne peut que donner de bonnes idées de lecture.