Nous sommes au XIIIème siècle. Un moine copiste, nommé Adalbert de Bugia, a été assassiné. C'est le rabbin Bienveniste Aymat qui est accusé du meurtre, chose que le vieil homme a toujours formellement démenti. Pourtant, voilà que le rabbin a été exécuté, forcé qu'il a été d'avouer les crimes les plus odieux (qu'il n'a bien sûr jamais commis) auprès de l'Inquisition. La seule chose qui a survécu au rabbin Aymat est une lettre, adressée à un certain Ramon Llull.
Dans un premier temps, le jeune homme, chrétien, réagit en grande méfiance : il ne peut pas remettre en cause les décisions de la Ssainte Inquisition, même s'il a été le disciple du rabbin dans son jeune temps. Mais de violents cauchemars finissent par l'obséder, d'une telle force que Ramon Llull finit par accepter d'enquêter sur la mort de de Bugia, afin d'innocenter son ancien maître.
Dans le même temps, une controverse a lieu : il s'agit d'une espèce de joute verbale entre les représentants les plus savants de la religion chrétienne et de la religion juive. L'objectif est le suivant : les chrétiens souhaitent démontrer que la religion juive est une simple dérivée du christianisme : le but est de prouver cela avec des faits concrets, histoire de ne faire plus qu'une religion avec les deux...
Ce premier tome de Ramon Llull, destiné aux véritables férus d'Histoire, notamment religieuse, n'est pas sans rappeler le fameux Au nom de la Rose... Il y est bien évidemment question de religion, avec un énorme travail de recherches sur l'époque, mais aussi sur les différents lieux visités ici. Ce personnage principal est quelqu'un de tout à fait remarquable, spécialiste de différents religions, auteur de textes d'une grande force, et quasiment inventeur de la langue catalane. Un gros travail à saluer donc, pour Eduard Torrents qui signe là sa première bande dessinée.
Le dessin n'est pas en reste, avec un trait fin et détaillé, des décors étudiés à la loupe, et d'intéressants jeux de lumières qui viennent éclairer l'intérieur trop sombre de telle ou telle pièce faite de pierres apparentes. Pour autant, ce livre est destiné aux vrais mordus d'Histoire, notamment sur cette époque : la vulgarisation n'est pas vraiment de mise dans cette série, ce qui ne sera pas sans décourager nombre de lecteurs dans les clients potentiels...
Qu'à cela ne tienne ! Même si nous n'atteignons pas la facilité de lecture d'autres séries historiques (je pense au récent Les boucliers de Mars, paru chez le même éditeur dans un registre historique qui n'a rien à voir avec cette époque-ci), le travail de l'auteur est ici tout à fait louable !
