Les Chroniques de l'Imaginaire

L'auberge de Nulle Part - Lewis, J. Patrick & Innocenti, Roberto

Quel est le comble de l'illustrateur - et de tout artiste, finalement ? Perdre son imagination. C'est ce qui arrive au héros de L'auberge de Nulle Part, qui décide de partir sur les routes à la recherche de ce don si précieux qui soudainement, lui fait défaut. Sa voiture le conduit dans une étrange auberge, perdue tout au bout du monde (dans le "Finisterre"). Une chambre l'y attend. Avant lui, Peter Pan, Tom Sawyer et Oliver Twist ont signé le registre...

Voici un bien étrange livre : un format bd, mais plutôt l'esprit d'un conte. Le texte s'invite entre les vignettes, sous ou sur les illustrations pleine page, et jamais dans la même taille de police. Le personnage principal est l'illustrateur Roberto Innocenti. L'histoire est racontée à la première personne, mais c'est le scénariste J. Patrick Lewis qui prête sa voix à son illustrateur... Pas facile de s'y retrouver donc. Mais dans ce genre d'ouvrage, le plus important n'est-il pas de se perdre ? Chacun des personnages que l'on croise dans L'auberge de Nulle Part (la petite sirène, Huckelberry Fine, Moby Dick, Don Quichotte, Saint Exupéry...) a perdu quelque chose, alors pour quelle raison le lecteur aurait-il la chance de s'y retrouver ?

Plus sérieusement, L'auberge de Nulle Part est un ouvrage foisonnant sur le pouvoir de l'imagination, et la capacité des histoires à se mélanger entre elles. C'est néanmoins ainsi que je l'ai ressenti, mais il en sera peut-être différemment pour d'autres lecteurs. Car comme le dit la postface, "ce qu'il y a de merveilleux avec les histoires, c'est qu'elles peuvent être lues de manières aussi différentes qu'il y a de lecteurs".

L'illustration est à la mesure de l'histoire. Simple en apparence, elle fourmille de références et de détails qui compliquent le propos. Je ne suis pas forcément grande amatrice de ce style un peu désuet, mais j'ai tout de même été séduite.

En somme, un ouvrage complet et complexe qui invite au rêve et à la réflexion.