Les Chroniques de l'Imaginaire

Les enfants de la veuve - Fox, Paula

Alors qu'ils s'apprêtent à partir pour un long voyage en Afrique, Laura et son mari Desmond invitent des proches à se réunir pour se dire au revoir autour d'un dîner. Dans le petit cercle de convives figurent avant tout des proches de Laura : son frère Carlos, son ami éditeur Peter, et sa fille Clara. Au lieu des joyeuses ripailles auxquelles on pourrait s'attendre, la soirée va tourner au vinaigre avant même d'avoir commencé, personne n'ayant envie de s'y rendre. Le malaise s'installe tel une chape de plomb parmi les convives.

L'après-midi même, Laura a appris que sa mère, Alma, était décédée. Au lieu d'en parler à sa famille, elle décide d'agir comme si de rien n'était. Elle se montre donc fidèle à elle-même : égocentrique, arrogante, blessante. Elle pose des questions mais n'écoute pas les réponses, fait des remarques désobligeantes sur le ton de la plaisanterie, infantilise Clara qui est terrorisée face à cette femme qui ne l'a pas élevée, préférant la laisser aux bons soins d'Alma. La douche écossaise semble être sa spécialité : une claque suivie aussitôt d'une caresse, mais la douleur reste vive malgré tout.

Le roman est divisé en sept chapitres correspondant à des épisodes précis de la soirée. Le dernier en revanche est axé sur l'enterrement. Le narrateur est tantôt l'un, tantôt l'autre, permettant au lecteur de mesurer l'hypocrisie ambiante, la différence entre ce qui est montré et ce qui est pensé. Un petit rien suffit à chacun pour se remémorer des bribes du passé, ce qui nous permet de mieux cerner qui ils sont, pourquoi leurs relations sont si fausses et tendues. En la présence de Laura, toutes les rancoeurs se cristallisent, et le malaise est d'autant plus prégnant pour le lecteur que lui sait que la grand-mère, Alma, qui revient souvent dans la conversation, est morte le jour-même.

L'ambiance de ce roman est sombre. Il pleut continuellement, les décors sont abîmés, même dans l'hôtel luxueux dans lequel ils prennent l'apéritif. Les taxis éclaboussent les vêtements, les serveurs ne prêtent pas attention aux clients. Les coeurs des convives sont pleins de regrets, d'amertume. Il n'y a guère que Clara pour tirer son épingle du jeu dans sa vie personnelle, alors qu'en présence des autres convives elle semble si démunie. On se rend aussi compte au fur et à mesure du rôle d'Alma dans la vie de ses enfants, ce qui les a conduits à être ce qu'ils sont devenus, et à l'annonce de sa mort les masques tombent.

Paula Fox dépeint avec succès les vies vaines qu'on peut mener, le manque de consistance des êtres, la fausseté des liens familiaux et amicaux. Si j'ai aimé cette lecture, je regrette malgré tout tant de passivité devant les affronts de Laura. J'aurais souhaité plus de mordant, d'échanges vifs, plus de caractère chez les personnages simplement. Mais le parti qu'a choisi l'auteure de rester dans les pensées intimes, non avouées est magistralement traité, et après tout, c'est tout ce qui importe.