Les Chroniques de l'Imaginaire

Babylon nights - Depp, Daniel

Anna Mayhew est une actrice hollywoodienne sur le déclin. A quarante trois ans, ses années de gloire sont derrière elle et elle projette de mettre fin à ses jours tant qu'elle n'est pas encore totalement tombée dans l'oubli. Son plan va cependant être retardé par l'apparition de lettres de menaces et l'agression physique d'un psychopathe. Ancien cascadeur reconverti en détective privé, David Spandau est embauché pour veiller à sa protection et confondre l'admirateur fou à Hollywood dans un premier temps, puis à Cannes, où Anna doit se rendre pour le célèbre festival.

Tout d'abord, je tiens à souligner l'incongruïté de la quatrième de couverture qui ne reflète absolument pas l'histoire. Anna Mayhew ne passe pas le plus clair de son temps à chercher à mourir, pas plus qu'il n'est difficile pour Spandau de la protéger car elle a un instinct de mort développé. A partir du moment où le détective l'escorte, elle ne songe plus qu'à lui mettre le grappin dessus et pas du tout à mourir. L'admirateur psychopathe, Perec, ne veut pas non plus qu'elle meure dans une effusion de sang pour qu'elle puisse entrer dans la légende. Il a une raison précise de s'en prendre à elle mais ce n'est pas celle-ci.

L'intérêt du livre ne réside pas tant dans l'intrigue policière, fort bien menée au demeurant, que dans les évènements d'apparence plus secondaires. Perec va laisser quelques cadavres sur sa route, et aussi blesser grièvement Special, un maquereau féru d'opéra, à qui le tueur volera de l'argent destiné à un mafioso. Special n'aura d'autre choix que de se lancer à ses trousses, ce qui le mènera jusqu'à Cannes. Quant aux relations entre Spandau et Anna, elles sont très amusantes à suivre, puisque lui aussi aimerait bien, mais ne peut point, déontologie oblige. L'entrecroisement de ces intrigues parallèles et d'autres encore est très réussi, les caractères des différents personnages provoquant des étincelles drôlissimes. De plus, le roman dans l'ensemble est empreint de cynisme, que ce soit dans les dialogues comme dans les situations. La description du déroulement des festivités à Cannes vaut son pesant d'or, l'industrie du cinéma en prenant pour son grade, y compris à Hollywood d'ailleurs. Au passage, l'auteur titille allègrement l'image du Français, qui arnaque les touristes, prend un air supérieur, est trop tatillon sur les formules de politesse, etc. Auto-dérision exigée !

Daniel Depp nous livre ainsi un roman construit autour d'une très bonne histoire, servie par des textes intelligents et corrosifs. Et c'est avant tout ce ton sarcastique si savamment employé qui fait tout le charme de Babylon nights.