Michael Young, affectueusement surnommé P'tit Chiot par sa compagne et ses amis, est heu-reux : il a enfin fini sa thèse d'Histoire, portant sur les années de jeunesse d'Hitler et son arrivée au pouvoir. Sa rencontre avec le professeur Leo Zuckermann va changer sa vie. En effet, cet estimable vieux monsieur, physicien remarquable qui a imaginé et construit une machine qui montre le passé, est obsédé par Auschwitz.
Peu à peu, P'tit Chiot imagine un moyen de le réconcilier avec son passé, et avec ce père qu'il ne peut oublier : changer le passé. Empêcher la naissance d'Adolf Hitler.
Et le pire, c'est qu'ils vont y arriver... mais pour se retrouver dans un Brave New World...
Divertissant. Intelligent. Bien construit. Ce roman est incontestablement tout cela. Avec cette touche so british que les amateurs de Wodehouse et autres humoristes anglais reconnaîtront avec bonheur, l'action démarre lentement. Toute la première partie du roman se déroule de façon très crédible dans un College de Cambridge, avec le plan de carrière d'un thésard, le professeur excentrique à l'appartement superbe, le concierge, etc... Il n'empêche que le fin mot de l'intrigue est habilement donné dès ce tout début, dans l'une de ces constructions paradoxales qui font les délices des amateurs de voyages temporels. A ce propos, et si je devais émettre un bémol, je ne peux m'empêcher de me demander les raisons des réactions différentes de Leo et Michael à leur voyage.
En effet, ce roman est à mon sens moins une uchronie qu'un voyage dans le temps, et on pourra penser d'une part à Autant en emporte le temps, de Peter Ward, et d'autre part au plus récent Ordre noir, de Johan Heliot.
Les personnages sont à la fois caricaturaux (Ronnie, Double Eddie, Jo-Beth et le colonel Young sont des modèles du genre, comme d'ailleurs le professeur Fraser-Stuart !) et touchants quand même. Ce que j'ai trouvé particulièrement attrayant, c'est la façon dont un pessimisme foncier se dissimule derrière l'humour et l'aspect comédie romantique gay. L'inéluctabilité de l'Histoire, vue comme un Jaggernaut sur rail, qu'il est impossible de dévier, fait frémir.
Il y a donc plusieurs niveaux de lecture pour ce roman plaisant après une première partie un peu lente. La postface d'Axel Orgeret-Dechaume est particulièrement intéressante et utile pour le lecteur français en ce qu'elle situe l'auteur.