Les Chroniques de l'Imaginaire

La nuit des enfants rois - Lenteric, Bernard

Joshua Killian, président de la Fondation Killian et chef d'entreprise renommé, décida un jour d'investir son argent dans la recherche d'enfants surdoués (on dit aujourd'hui intellectuellement précoce parce que le terme de surdoué portait un peu à confusion). Du coup, il dépensa des millions pour que l'on découvre des enfants entre quatre et six ans. Le but était de faire s'assoir des enfants devant des ordinateurs (nous sommes dans les années 70) et de voir le résultat. Pour compiler toutes ces informations, il fallait un ordinateur surpuissant. Plus tard, Jimbo Farrar le surnommera Fozzy. Mais pour l'instant, il n'est qu'un réceptacle capable de trier et d'analyser des millions de données. Puis un jour le vieux Killian mourut. Il avait mis une clause spécifique sur son projet pour que celui-ci dure encore quinze années après sa mort. Ce qu'il fit.

Du coup, un jour Jimbo Farra, un génie dans son domaine, en vint à surveiller Fozzy. Il passait le voir le soir et discutait avec lui. Il avait bien une petite amie, Ann, avec qui il se marierait plus tard, mais il fallait qu'il fasse correctement son boulot, surtout que cela le passionnait. Côtoyer l'ordinateur le plus puissant de la planète, et le reprogrammer un peu quand même, était une expérience importante pour Jimbo. Puis un jour, cela arriva. Fozzy sortit de tous les tests d'enfants sept tests qui étaient étranges. Le protocole voulait que si quelque chose sortait de l'ordinaire, il fallait que l'enfant refasse le test un peu après. Donc, ces données anormales avaient été triées après ce deuxième test. Sept enfants avaient reproduit des motifs qui semblaient similaires. Des points et des traits sans but précis, mais d'une grande habileté, surtout si on devait les refaire juste après. Et puis, Jimbo superposa tous ces traits et ces points et alors apparut un message : "where are you?". Comment des enfants qui ne se connaissaient pas pouvaient-ils avoir mis au point des images qui, en se superposant, donnaient un tel message ?

C'est bien ce que Jimbo essaya de découvrir. Mais en faisant cela, c'est la boîte de Pandore qu'il entrebâilla.

La nuit des enfants rois est un roman de 1981, donc plus tout jeune. Pourtant, il est remis à l'ordre du jour avec la sortie du film The prodigies, librement adapté de ce roman. Je n'ai pas encore vu le film, je ne pourrai donc pas comparer les deux, et ce n'est de toute manière pas le propos de cette chronique. J'avais déjà lu ce roman il y a une quinzaine d'années. Aujourd'hui, je me replonge dedans avec bonheur. On pourrait se dire que les éléments technologiques sont dépassés. Vous pensez, depuis le début des années 80, l'informatique a quelque peu évolué (c'est le moins que l'on puisse dire). Pourtant, Bernard Lenteric a eu l'intelligence, ou la prémonition, de décrire les choses pour que rien ne semble vraiment obsolète. Une prouesse, je trouve. Mais ce n'est qu'un détail.

Parce que La nuit des enfants rois est surtout une histoire racontée avec un style qui pourrait paraitre décousu au premier abord mais qui est vraiment très élaboré. Bernard Lenteric nous nargue, nous perd, nous retrouve, avec une manière très personnelle d'inclure le lecteur dans le récit. Jamais il ne s'adresse vraiment à nous, mais on se sent comme acteur de ce qu'il se passe, mais sans jamais pouvoir intervenir. C'est frustrant mais très intéressant comme expérience.

L'histoire en elle-même est inventive, même si aujourd'hui, on ne peut plus dire originale (difficile de se replacer dans le contexte de l'époque pour le savoir). Du moins, dans ses fondements. Les développements sont parfois attendus, ou surprenants. Mais toujours il y a le style, toujours il y a cette manière de nous faire prendre part aux évènements. Et cela est bon.

Oui, La nuit des enfants rois est un bon livre. Contrairement au film, il n'y a pas vraiment d'élément fantastique dans ce récit, outre cette réunion improbable. Cela n'en demeure pas moins une lecture captivante qui n'a finalement pas vraiment vieilli.