Suivant les conseils de son amie Lady Russell, qui a pris la place de sa mère trop tôt disparue, Anne Elliott a rompu la promesse de fiançailles qui la liait au capitaine Frederick Wentworth, alors que tous deux étaient profondément amoureux l'un de l'autre, mais qu'aucun n'avait de moyens financiers suffisants.
Huit ans plus tard, il a fait fortune grâce aux parts de prise, et ils sont amenés à se revoir, sans qu'aucun l'ait souhaité, mais sans qu'ils puissent non plus l'éviter facilement. Anne se rend compte très vite qu'elle l'aime toujours, mais reste longtemps dans l'incertitude quant à ses sentiments à lui, d'autant qu'elle le voit beaucoup avec la jolie et vive Louisa Musgrove.
Dernier roman de Jane Austen, Persuasion comporte tous les traits qui font les délices des amateurs de la romancière anglaise trop tôt disparue : acuité du regard et précision du style. On a souvent l'impression en lisant que l'écrivaine prenait des notes en regardant vivre les gens autour d'elle, tant les types humains qu'elle dépeint quand elle compose ses personnages sont clairement caractérisés en quelques traits. Cela est dû à ces descriptions ciselées, ces dialogues aux mots choisis, qui font mouche en montrant les personnages sous leur jour le plus révélateur, qui n'est pas toujours le meilleur, bien sûr. C'en est parfois féroce, pour le plus grand plaisir du lecteur. On en viendrait à regretter que soient épargnés les deux héros, tous deux parangons de toutes les vertus, et plus encore par contraste avec les humains imparfaits qui les entourent.
Par ailleurs, s'il y a peu d'action, peu d'intrigue, et que la situation des héros, voire même des autres personnages, n'est pas très originale, la réflexion sur les nuances entre obstination, ténacité, fermeté de caractère, et à l'inverse influençabilité, faiblesse de caractère, raison, est intéressante et toujours actuelle.
Cette édition comporte un appareil critique fort intéressant. La lecture de la première fin élaborée par la romancière permet au lecteur de mesurer l'ampleur de la modification, et de se féliciter qu'elle l'ait changée, la version définitive étant incomparablement plus originale et délicate. La préface est également d'une lecture fort plaisante, mais qu'il conviendra de retarder jusqu'après la lecture du roman, dont elle détaille les moindres péripéties.