Les Chroniques de l'Imaginaire

Présumé coupable - Guso, Isabelle

Un homme va au Japon rencontrer un sage bouddhiste, Maître Kagen, afin de lui demander de le changer, de changer son coeur, et ainsi le cours de sa vie. Un homme ? Non, pense-t'il, et c'est bien là le problème : pour ce personnage, comme pour la société si elle connaissait son secret, il n'est pas un être humain, mais un monstre.

Cette belle novella, toute en délicatesse, vise entre autres à nous rappeler que la justice a à connaître des actes, et qu'il est fondamentalement injuste de présumer coupable quelqu'un qui n'a rien fait.

Cela dit, ce livre m'a profondément troublée et dérangée. Entendons-nous : que ce soit dans la novella elle-même ou dans la note qu'elle y a adjointe, jamais l'auteure ne justifie ni n'excuse en quoi que ce soit l'agression sexuelle des enfants. Elle la condamne au contraire avec la plus grande fermeté. Ce n'est donc pas une quelconque justification d'actes sexuels inexcusables qui m'a heurtée. Ce qui m'a valu quelques heures d'insomnie, c'est de me rendre compte qu'il y avait en moi un juge tout prêt à décider, d'emblée et formellement, qu'une personne sexuellement attirée par les enfants ne pouvait être qu'un violeur. En somme, avant de lire ce texte, j'ignorais jusqu'à l'existence de "pédophiles abstinents". Il est vrai que les seuls pédophiles dont nous entendons parler sont ceux qui sont passés à l'acte, et qui sont à juste titre condamnés pour cela.

Ce livre entend montrer qu'il y a urgence à entendre les paroles et la souffrance de ceux, plus nombreux, qui luttent en silence contre ce penchant, et dont le personnage de la novella est la représentation littéraire.
Il montre que notre société ne sait que punir ce qu'elle ne peut pas guérir. Or il est impossible de "guérir de soi", de changer radicalement son être. Mais cette dichotomie est dangereuse pour tous, et d'abord pour les enfants, et donc pour la société dans son ensemble, en impliquant une fatalité du passage à l'acte.

Pour qui consent à réfléchir en-dehors des sentiers battus, et à s'intéresser à ceux qui n'ont pas eu jusqu'à présent de voix pour les défendre, ce texte est passionnant, même s'il est difficile. En tout cas, il faut saluer le courage dont fait preuve son auteure, dont le nom est certes à retenir.

J'ai hésité sur la classification, mais la (légère) présence du surnaturel m'a conduite à l'inclure dans la catégorie Fantastique.