Les Chroniques de l'Imaginaire

Rosa - Rabb, Jonathan

Nikolaï Hoffner est chargé de l'enquête sur "l'homme au burin", ce tueur en série qui trace un dessin si particulier dans le dos de ses victimes, toutes de vieilles couturières solitaires. Or, le voilà avec deux cadavres de femmes portant ces mêmes marques... MAIS le corps de l'une d'entre elles a été conservé, et est couvert d'une étrange sorte de graisse ; MAIS aucune des deux ne correspond au profil de victime habituel, et de plus les marques ne sont pas exactement identiques sur les deux corps ; MAIS surtout, le cadavre de l'une des deux femmes est celui de Rosa Luxemburg.
Et de plus ce cadavre disparaît, subtilisé par les hommes du quatrième étage, ceux de la Police Politique. Hoffner et son assistant, Hans Fichte, continuent l'enquête sur le tueur, qui va les mener jusqu'à un hôpital psychiatrique belge. Mais Hoffner n'arrive pas à voir ce que la Polpo fait dans le tableau, et il ne peut pas s'empêcher de chercher à comprendre.

Entre fait divers et machinations politiques, l'auteur manie avec dextérité un grand nombre de fils sur de très nombreux fuseaux, et le lecteur a intérêt à rester attentif pour garder en mémoire tous les personnages divers, dont certains ne font que passer dans ce paysage touffu de la Berlin d'après-Première Guerre Mondiale.
Indépendamment de l'intrigue policière, bien ficelée et d'une brillante originalité, on voit dans ce roman les différents groupuscules qui ne feront que croître en puissance dans les vingt années suivantes. C'est superbement écrit et décrit, de façon à rendre tangible pour les lecteurs l'atmosphère de l'Allemagne de ce temps, le désespoir des soldats démobilisés et leur recherche d'un coupable à la défaite ; l'espoir et le désespoir mêlés des forces de gauche ; les craintes des Juifs, et les discours effrayants, effroyables, de leurs ennemis.

Un roman dense, donc, très intelligemment construit, avec des personnages complexes et vivants, depuis Müller jusqu'à Pimm, en passant bien sûr par Hoffner, personnage central, à la fois allemand et russe, que l'on a déjà vu agir dans L'homme intérieur, et dont on comprend ici l'origine de son conflit avec son fils aîné, et de l'engagement nazi de ce dernier.

En somme une autre excellente histoire de Jonathan Rabb, qui donne envie d'en lire davantage de cet auteur talentueux.