Cet ouvrage réunit deux nouvelles, Un parfum à sentir et Passion et Vertu. Gustave Flaubert a écrit ces deux textes alors qu'il n'avait que quinze ans, et déjà il faisait preuve d'un talent indéniable et d'une grande matûrité. Il y dresse deux portraits de femme, d'une justesse impressionnante, à se demander comment il est possible qu'à cet âge il ait pu cerner aussi bien les tourments du coeur d'une femme.
Dans Un parfum à sentir, il met en scène Marguerite, délaissée par son mari, Pedrillo. Ce sont des baladins, et avec leurs enfants ils vont de ville en ville, essayant de gagner quelques pièces avec leurs numéros. Mais Marguerite est disgracieuse et les passants se moquent d'elle. L'argent manque cruellement. La roue tourne lorsque sur la route ils rencontrent des connaissances, un frère et une soeur, des baladins comme eux, qui possèdent une ménagerie. La soeur, Isabella, est belle, svelte, pleine de fraîcheur, les passants déposent des pièces à ses pieds. Pedrillo tombe sous le charme et c'est sans retenue aucune que les deux batifolent sous les yeux de Marguerite.
Les amours contrariés sont également le thème de Passion et vertu. Mazza est mariée, a deux enfants. Mais lorsque le bel Ernest lui fait la cour, elle ne peut s'empêcher de céder. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que pour Ernest elle n'est que l'objet d'un pari, d'un jeu entre mâles. Après l'avoir possédée elle ne l'intéresse plus, et Mazza entre dans un tourbillon de souffrances sans fin.
Que ce soit dans l'une comme dans l'autre nouvelle, Gustave Flaubert fait preuve d'une empathie saisissante. Il parvient à deviner ce qui se passe dans le coeur de chacune, les différentes phases par lesquelles elles passent, le malheur, le sentiment d'abandon, l'amour indéfectible... Il égratigne allègrement l'image des hommes, qui n'ont aucun scrupule à jouer avec les sentiments des femmes. On ressent aussi un fort sentiment d'injustice à la lecture Des baladins, l'indifférence et le manque de compassion de la société envers les miséreux semblent le révolter particulièrement, et il parvient encore une fois à transcrire ce que peuvent ressentir les pauvres gens.
Dans sa présentation de Passion et vertu, Gustave Flaubert cite une phrase de William Shakespeare tirée de sa pièce Roméo et Juliette : "Peux-tu parler de ce que tu ne sens point ?". Définitivement, la réponse est oui. Et avec un talent rare.