Nous sommes à un guichet : un homme apporte tout un tas de papiers administratifs, et tout semble se dérouler en bon ordre. Jusqu'à ce qu'on lui demande des photos qui complèteront le dossier. L'homme, nommé Raoul Cérusier, a tout prévu : il donne ainsi les photographies à la secrétaire, mais celle-ci ne reconnaît pas du tout l'homme en question sur ces photos. D'autres collègues ont bientôt le même avis tranché, ce qui est plutôt étrange pour Raoul, qui dit n'avoir jamais eu de photographies aussi ressemblantes... La surprise continue lorsqu'un bon ami de Raoul ne le reconnaît pas, dans la rue...
Et pour cause ! Raoul a tout simplement changé de visage ! Et cela, sans s'en rendre compte... Passé le choc de la découverte, Raoul s'aperçoit du bon côté de la chose : il se trouve qu'il a considérablement gagné en charme et en séduction, si bien que toutes les jolies dames le remarquent et le soutiennent du regard à présent : de quoi être sacrément déstabilisé ! D'autant qu'à présent, il sera difficile à Raoul de rentrer chez lui. Son épouse ne croira jamais en un tel délire. Et ses enfants ? Et son travail ? Jamais ses secrétaires ne le reconnaîtront, dans l'affaire qu'il manage...
Alors, Raoul va chercher à se confier, d'abord à l'oncle de sa femme, qui est une personne poétique qui pourra croire en un tel chambardement ! Et puis, Raoul (qui se fait maintenant appeler Roland) a une noble cause : il va tenter de reconquérir sa propre épouse avec ce nouveau visage. Une épouse qu'il croit pourtant totalement fidèle à son mari, qu'elle croit maintenant parti à l'étranger pour des raisons professionnelles...
La belle image est un one-shot qui paraît aux éditions Futuropolis. C'est Cyril Bonin qui est aux commandes ici, aussi bien au niveau des dessins et des couleurs, qu'au niveau du scénario, adapté du roman du même nom de Marcel Aymé, paru en 1941 aux éditions Gallimard. Eh bien : quel choc ! L'intelligence et la maîtrise suintent dès la première planche, avec des dialogues absolument jouissifs qui s'instaurent entre l'administration et ce Raoul qui ignore encore qu'il a changé de tête...
Passée cette première scène, force est de constater que l'intérêt ne redescend jamais avec ce livre : c'est beau, vivant, et intelligent. Les angles de vue sont risqués et particulièrement réussis, donnant un véritable mouvement au dessin. Les couleurs discrètes conservent également la force des traits, ce qui reste parfaitement en adéquation avec cette très belle histoire.
Au niveau de la narration, du rythme, du scénario, rien n'est à redire ici : l'adaptation est absolument maîtrisée, et cela reste un véritable plaisir de suivre Raoul, ce personnage principal qui ne peut s'empêcher de changer au fur et à mesure où il sent qu'il a plus d'emprise sur les évènements et sur son entourage, avec cette nouvelle gueule : un véritable chef duvre donc, à côté duquel il est défendu de passer sans s'arrêter !
